Lors de son discours sur l’état de la Nation du 5 mai dernier, le Premier Ministre a insisté sur diverses évolutions ou initiatives qui sont de nature à mieux arrimer le Luxembourg au « droit chemin » sur le plan économique et social.
Côté finances publiques, le Zukunftspak, synonyme d’un début de changement de cap (tant en ce qui concerne le format du budget que le rythme de consolidation), et l’augmentation soutenue des investissements publics ont été soulignés tout comme la volonté de transparence, d’attractivité et de simplification en matière de fiscalité des entreprises. Ce ne sera pas « une mince affaire » compte tenu de l’échange automatique d’information, de LuxLeaks ou d’initiatives internationales qui devraient induire un élargissement de la base d’imposition des sociétés, alors que la fiscalité reste un facteur de compétitivité déterminant à l’échelle internationale.
Dans le domaine clé du marché du travail, a été mise en avant la nécessaire amélioration des compétences digitales des élèves, le portail de l’emploi et le Partenariat pour l’emploi. Ce Partenariat conclu entre l’ADEM et l’UEL constitue une avancée décisive et prévoit notamment une augmentation des recrutements via l’ADEM, avec à la clé une réduction du chômage (5.000 personnes) sur trois ans. Espérons que le Partenariat se poursuive et qu’il sera flanqué par des réformes et des modernisations ambitieuses de l’ADEM, alors que celle-ci a connu récemment des moments pour le moins chahutés …
Le Premier Ministre a également cité les efforts de promotion, au niveau global (le « Nation branding ») ou de manière plus ciblée comme la promotion du tourisme, secteur à important potentiel de création d’emplois. Il a également évoqué deux catalyseurs de l’esprit d’entreprise, à savoir le 4ème plan PME et la Sàrl simplifiée, deux dossiers dont une avancée rapide est fortement souhaitée par les acteurs économiques.
Il convient enfin de situer le développement dans une perspective de plus long terme : l’importance du développement durable et de l’économie circulaire a été soulignée à juste titre.
La présidence luxembourgeoise du Conseil de l’UE au second semestre de 2015 serait quant à elle l’occasion notamment d’améliorer la transition entre l’école et le monde du travail, d’élaborer une « feuille de route » pour la compétitivité industrielle et de préparer au mieux la Conférence des Nations unies sur les changements climatiques. Enfin, il s’agirait de faciliter les échanges « tous azimuts » à propos du projet de traité commercial transatlantique ; projet méconnu et faisant l’objet de polémiques souvent injustifiées.
Ces éléments constituent à première vue une sorte de « liste de vœux » un peu disparate. Or il s’agit objectivement d’éléments essentiels, nécessaires au maintien du Luxembourg sur le « droit chemin ». Or, « nécessaire » ne veut cependant pas dire « suffisant ». Divers éléments non cités dans le discours, ou juste mentionnés en passant, devraient selon moi faire l’objet d’une attention accrue.
Il s’agit d’abord du logement, le casse-tête par excellence. Il reflète notamment le fort accroissement de la population, la subsidiation de la demande (à travers diverses dépenses fiscales et autres aides financières) ainsi que des multiples contraintes réglementaires. Le coût élevé du logement conditionne directement la problématique de la compétitivité, car il est de nature à accentuer les exigences salariales.
La compétitivité précisément : elle a connu une dérive manifeste au cours des dix dernières années. Que compte faire le Gouvernement pour endiguer ou même corriger cette dérive ?
La fiscalité influe également sur la compétitivité. Le Gouvernement a annoncé une réforme fiscale pour début 2017. Il a annoncé un effort de simplification et de transparence en la matière, ce qui est prometteur. Les actes devront cependant être en phase avec ces déclarations.
La fiscalité et les prestations sociales induisent aussi des pièges à l’emploi, qu’il faut atténuer afin de lutter contre le chômage des jeunes et des personnes peu qualifiées. Il faudra en parallèle garantir une meilleure participation des seniors au marché de l’emploi. Ces deux aspects ne sont nullement antinomiques, comme le démontre le cas des pays nordiques par exemple. Le Partenariat précité doit être complété par des réformes incisives, notamment un enseignement plus efficace, des efforts accrus de formation, etc.
Je pourrais encore citer le financement de la sécurité sociale ; un esprit d’entreprise plus présent, particulièrement au sein de notre jeunesse ; une stimulation des efforts privés de R&D, qui sont en nette perte de vitesse depuis quelques années. Notons aussi les problèmes liés au changement climatique et aux émissions de CO2 – avec en filigrane la question du Tanktourismus. Je me permets enfin de souligner l’apparente incapacité du pays à épargner davantage en phase de haute conjoncture. Les recettes normalement associées au meilleur contexte conjoncturel commencent déjà à être dépensées : un congé parental remodelé, la subvention loyer, la hausse du point d’indice pour les agents publics, la gratuité annoncée de la prise en charge d’enfants, et j’en passe.
En conclusion, le discours sur l’Etat de la Nation renferme quelques accents prometteurs. Il renferme cependant peu d’annonces réellement originales ou suffisamment ambitieuses pour prendre « à bras le corps » les principaux défis socio-économiques auxquels est confronté le Grand-Duché.