La Chambre des Députés vient de voter le projet de loi modifiant la loi modifiée du 19 décembre 2008 portant réforme de la formation professionnelle. L’avis de la Chambre de Commerce à ce sujet (cf. www.cc.lu ) a été mitigé : certains changements sont à saluer, d’autres auraient pu aller plus loin. La formation professionnelle initiale représente un défi d’envergure dans la mesure où un rapprochement renforcé entre l’école et le monde économique est indispensable.
De l’apprentissage à la formation professionnelle initiale, duale, en alternance, en régime concomitant ou encore en « work-based learning », les termes employés pour décrire la combinaison du travail en entreprise et de la formation théorique à l’école sont nombreux en Europe et les modèles qui se cachent derrière divergent largement. L’objectif poursuivi est cependant le même : améliorer l’offre de formation pour permettre aux jeunes d’acquérir les qualifications et les compétences nécessaires à leur entrée et leur pérennisation sur le marché du travail. Un tremplin en faveur de l’emploi.
Un premier regard sur le taux d’emploi des jeunes entre 15 et 24 ans dans les pays germanophones, connus pour l’excellence de leurs systèmes de formation professionnelle initiale, fait pâlir le Luxembourg : il n’atteint que 29% chez nous. A 63%, la Suisse caracole en tête, suivie de près par l’Autriche à 53% et l’Allemagne à 46%[1]. S’il est évident que cette situation est notamment liée à la part élevée d’étudiants parmi les jeunes au Luxembourg – précisons également que l’engagement des jeunes dans la formation professionnelle initiale au Grand-Duché est bien supérieure à la moyenne de l’Union européenne[2] – il convient néanmoins de rappeler que les apprentis sont compris dans le taux d’activité. Une autre réflexion à mener : l’année 2014 a compté plus de jeunes chômeurs (2.237)[3] que d’apprentis diplômés : 1.007 certificats ont été délivrés par la Chambre des Métiers, la Chambre d’Agriculture et la Chambre de Commerce[4] , qui à elle seule a remis 558 diplômes.
Or, toute une série de chiffres plus récents indiquent que nous sommes sur la bonne voie. Tout d’abord, le nombre de jeunes au chômage est actuellement[5] à son plus faible niveau depuis l’été 2011. Si les détenteurs d’un diplôme de fin d’études secondaires techniques prennent une petite avance sur les apprentis diplômés quant à leur entrée dans la vie active (contrairement à l’Allemagne et les Pays-Bas où les apprentis diplômés intègrent plus facilement le marché du travail que les élèves d’une filière générale[6]), cette saillie de 2,5 mois est assez anodine[7].
En 2016, la Chambre de Commerce a remis 649 diplômes à des jeunes, ce qui représente un taux élevé de réussite de 85,4%. Une condition sine qua non pour le développement continu de la formation professionnelle initiale est sans doute l’assurance-qualité. A cet égard, on ne peut que se féliciter des standards de qualité élevés, de l’esprit d’ouverture et de la motivation des formateurs : depuis 2010, de 4.000 tuteurs en entreprise ont participé au programme de formation de la Chambre de Commerce afin d’affiner, par exemple, leur approche pédagogique.
Une véritable innovation a vu le jour avec la création du « Talent Check », le nouvel outil de la Chambre de Commerce, qui permet de dresser un bilan des talents d’un futur apprenti, les domaines de compétences couvrant, entre autres, la concentration et l’observation, le calcul pratique, l’habileté linguistique ou encore les capacités organisationnelles. Il s’agit d’une innovation non-contraignante servant à mieux orienter les apprentis dans leur choix professionnel. Depuis sa mise en place en mai 2016, plus de 500 jeunes ont déjà recouru à cet instrument d’auto-évaluation. Un grand succès sur cette courte période. Sans oublier le gain de temps que le « Talent Check » représente pour les entreprises, car cet « up-front screening » leur permet de se forger une première idée des intérêts et des compétences des candidats.
Le dernier ingrédient qu’il convient d’ajouter est la conviction des bénéfices du partenariat, aussi bien de l’entreprise qui accueille un jeune, que de l’apprenti, qui passe par la promotion de la formation professionnelle initiale. C’est dans cet esprit que nous avons lancé la campagne « winwin.lu » avec son slogan « L’apprentissage : avançons ensemble », qui vise à encourager les entreprises à se lancer davantage dans les projets d’apprentissage d’une part, et à inciter les jeunes à entamer un apprentissage, d’autre part. Qui plus est, nous souhaitons agir en tant qu’intermédiaire : plus la distance entre les deux parties prenantes se réduit, plus la formation professionnelle initiale devient la voie royale vers l’intégration professionnelle. A titre d’exemple, seulement 12% des apprentis en Suisse considèrent l’apprentissage comme la voie du dernier recours[8]. Une inspiration qui devrait nous motiver à poursuivre le chemin emprunté ! Faisons de sorte que la formation professionnelle initiale, qui est encore souvent (et à tort !) considérée comme une filière d’échec, prenne un nouvel essor en tant que filière d’excellence !
Les ambitions en matière de formation professionnelle devront cependant aller bien plus loin. Je pense notamment à la formation supérieure à destination du personnel des entreprises luxembourgeoises, en d’autres termes, la formation tertiaire « professionnalisante ». Avec l’Institut Supérieur de l’Economie, qui va ouvrir ses portes le 15 septembre de cette année, les deux chambres patronales luxembourgeoises vont poser la première pierre d’un concept prometteur qui nous permettra de combler le manque existant à l’heure actuelle dans notre écosystème de la formation : la formation duale au niveau tertiaire. Et n’oublions pas la formation professionnelle continue, les résultats de la House of Training (plus de 22.000 inscriptions en 2015 et déjà 13.000 inscriptions au 1er juin de cette année), le nouvel acteur incontournable sur ce marché, étant très encourageants. L’idée partagée de l’Association des Banques et Banquiers Luxembourg et la Chambre de Commerce de réunir sous un même toit leurs offres de formation pour devenir un institut de formation multisectoriel de référence a porté ses fruits.
Si « réussir à former et former pour réussir » restera au cœur de notre philosophie en matière de formation et si nous l’appliquons dans toutes nos démarches, nous pouvons aborder l’avenir avec une certaine sérénité !
[1] Eurostat, 2016 : Taux d’emploi des jeunes par sexe, âge et pays de naissance (chiffres pour l’année 2015).
[2] 60,7% au Luxembourg contre une moyenne de 50,4% dans l’Union européenne (Cedefop, 2015: On the way to 2020: data for vocational education and training policies. Country statistical overviews).
[3] STATEC.
[4] MENJE : Diplômes et certifications, Année scolaire 2013/2014
[5] Mai 2016 : 1.600
[6] Bertelsmann Stiftung, 2016: Zukunft unsicher- Jugendarbeitslosigkeit im europäischen Vergleich.
[7] Les apprentis diplômés (les trois régimes confondus) trouvent leur premier emploi après 5,6 mois en moyenne (Lifelong-learning.lu, 2016: TEVA – Quelles perspectives d’emploi pour les élèves de l’enseignement secondaire technique? Indicateurs clés 2011-2014).
[8] Confédération Suisse, 2016: La formation professionnelle en Suisse – Faits et chiffres 2016.
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