C’est la crise de la dette en Europe. Depuis 2010 tout au moins, la situation financière de certains Etats membres de l’Union européenne s’est dégradée à tel point que les autres pays ont dû intervenir dans l’urgence afin de stabiliser, tant bien que mal, une situation qui n’était plus gérable et qui a semé la panique sur les marchés financiers et bancaires. Comment avons-nous pu en venir jusque-là ? Pourquoi la bombe de l’endettement n’a pas déjà éclaté plus tôt? Comment la situation des pays en détresse peut-elle être stabilisée, comment s’assurer que la crise de l’endettement ne réduise pas de façon dramatique le niveau de vie des ménages et comment faire en sorte que les Etats puissent, aussitôt que possible, reprendre leur propre destin en main, avec à la clef un développement économique performant ? Telles sont quelques unes des questions fondamentales qui se posent, aujourd’hui plus que jamais. Or, pour pouvoir décrypter la crise de la dette, nous devons brièvement revenir en arrière : Flashback en deux parties sur une crise qui s’est annoncée avant la crise financière et économique déclenchée en septembre 2007 suite à la faillite de la banque d’investissements américaine Lehman Brothers.
Dans cet article, je souhaite aborder et discuter avec vous des généralités du phénomène d’endettement public, notamment en tirant des parallèles avec la situation d’un ménage. Dans un « post » ultérieur, je voudrais aborder plus spécifiquement la crise actuelle qui défraie la chronique économique depuis plus de quatre ans. Elle touchait au début, les banques et le système financier. Aujourd’hui, elle touche, également des Etats, c’est-à-dire des Nations souveraines et indépendantes qui se trouvent malmenées à tel point que certaines d’entre elles sont au bord de la faillite, si la faillite existe dans le chef d’un Etat souverain…
Un Etat, tout comme un particulier, un ménage ou une entreprise dispose de rentrées d’argent ainsi que de sorties d’argent. Pour l’individu travaillant dans une entreprise, le salaire, augmenté des transferts sociaux et éventuellement d’autres revenus dont il bénéficie, doit couvrir l’ensemble des dépenses que la personne envisage sur une période: loyer, aliments, loisirs, transports, etc. Si le ménage dépense un montant plus élevé que son revenu disponible dont il bénéficie, et s’il ne dispose d’une épargne suffisante accumulée par le passé, il s’endette.
L’endettement, s’il est maintenu dans une proportion raisonnable, n’est pas une mauvaise chose en soi. En effet, il est clair qu’un ménage ne peut pas financer, rien qu’avec ses revenus courants, l’ensemble de ses dépenses d’investissements à long terme. L’acquisition d’un bien immobilier est un bon exemple : rares sont les individus qui peuvent se permettre d’acquérir un tel bien rien qu’en puisant dans leurs revenus courants et leur épargne. Ceci n’est même pas nécessaire étant donné qu’un ménage prévoit de vivre dans la maison pendant des années, voire des décennies. Ainsi, il est normal que le ménage, qui veut profiter d’un bien pendant 30 ans par exemple, finance ce même bien pendant toute cette période. Dans pareil cas, le recours au crédit est plus que justifié : la banque prête l’argent servant à acquérir la maison et le ménage rembourse le prêt hypothécaire (et les intérêts afférents), pendant
cette même période, en puisant régulièrement sur ses revenus.
Un recours au crédit peut ainsi se justifier notamment dans le contexte de dépenses d’investissements pluriannuelles. Evidemment, le ménage responsable ne devrait pas emprunter systématiquement de l’argent sous prétexte qu’un bien acquis va lui servir pendant plus d’une année. A défaut, il serait tenté de contracter un financement pour l’acquisition de toute sorte de biens de consommation durables, tels que les télévisions, les réfrigérateurs, une installation de home cinema, etc. C’est, en effet, le recours excessif au crédit qui est susceptible d’ébranler la situation financière d’un ménage. Les ménages fortement endettés sont ceux qui dépensent une partie trop élevée de leurs revenus courants pour rembourser des dettes contractées par le passé. Pis encore, si un ménage ne voit plus d’issue, si la quote-part des revenus utilisés pour rembourser des dettes est trop importante et, par conséquent, la partie disponible pour vivre et consommer trop faible, il se voit contraint de « refinancer » une partie de sa dette : un emprunt contracté hier doit être remboursé- ou vient à échéance comme dirait le financier. Si le ménage ne dispose pas de moyens suffisants pour le faire, il peut contracter un nouvel emprunt afin de rembourser l’ancien. Or, ceci ne change pas fondamentalement la situation du ménage : il est surendetté et il n’a réussi à satisfaire son créancier qu’à court terme. Tôt au tard, le nouvel emprunt viendra à échéance et devra être remboursé.
Dans l’exemple schématique exposé ci-avant, un premier emprunt à servi à investir, à acquérir un bien indispensable au bien-être, à créer de la valeur. Ainsi, il y a une contrepartie physique et tangible à la somme empruntée. Or, le fait de simplement refinancer, l’ancienne dette par de nouveaux emprunts est une situation différente : il n’y a, en contrepartie de la dette, aucun bien nouveau, aucune création de richesse, et
donc aucune augmentation du bien-être ou du niveau de vie du ménage.
S’il paraît judicieux, en tant que personne privée, de s’endetter d’une façon raisonnable afin de pouvoir acquérir des biens d’investissements, il importe que le niveau de dette reste financièrement soutenable.
D’une façon moins schématique, il faut éviter de vivre au-dessus de ses moyens. Un individu ou un ménage doit tenter de financer des dépenses de consommation courantes avec ses moyens courants. Les « petits luxes » ou les imprévus de moindre envergure devraient pouvoir être financés non pas en recourant à l’endettement, mais bien à l’épargne. L’épargne, ou bien la partie non-consommée des revenus, devrait effectivement permettre de faire face à ce genre de dépenses. De surcroît, la plupart des ménages disposent d’un niveau plus ou moins équivalent de revenus tous les mois, alors que dépenses peuvent varier fortement d’un mois à l’autre: la prime d’assurance n’est payée qu’une fois par an[1] et les vacances d’été ne doivent être financées, a priori, qu’une seule fois. Or, le ménage ne profite-t-il pas de son assurance tout au long de l’année et les vacances estivales ne constituent-elles pas la juste récompense du travail presté le long de l’année ?
Si la réponse à ces questions est affirmative, le ménage qui gère bien sa situation financière – qui la gère en « bon père de famille » – met de l’argent « de côté » sachant qu’il devra financer des dépenses futures. A défaut, dans l’exemple des vacances estivales, le mois d’août arrivera et le salaire du mois en question devrait financer l’ensemble de la dépense, ce qui ne paraît guère judicieux. L’épargne se conçoit également dans ce sens précis: parmi les moyens courants (salaires, revenus réguliers…), l’individu doit se donner une marge de sécurité suffisante, afin de faire face à des dépenses futures, qu’elles soient connues (par exemple vacances, prime d’assurance) ou inconnus (par exemple remplacement d’appareils ménagers défectueux). Ainsi, seules les dépenses d’investissement à long terme, voire les imprévus de très grande envergure justifient, à elles seules, un recours exclusif à l’emprunt au titre de leur financement.
Les analogies entre les ménages et l’Etat sont saisissantes en ce qui concerne la nécessité d’une gestion saine des moyens financiers : L’Etat aussi dispose de moyens financiers limités (impôts, participations dans des entreprises privées et publiques) et, de l’autre côté, d’un ensemble de dépenses (transferts sociaux, traitements de fonctionnaires, construction d’écoles, entretien de routes, etc.).
A suivre… Dans le prochain article, nous analyserons plus en détail la problématique de l’endettement des Etats, qui est une des origines de la crise que nous traversons actuellement.
[1] Aujourd’hui, la plupart des compagnies d’assurance offrent également la possibilité de paiement à travers des primes mensuelles.
Je compte parmi les “petits luxes” également la voiture qui devrait être financée par l’argent épargné par le ménage. Toutefois beaucoup de ménages recourent à des prêts bancaires pour s’acheter des grosses cylindrées, une pratique encouragée de fait par les instituts bancaires à travers un marketing agressif. Est-ce bien raisonnable? Le festival de l’automobile, malgré la crise s’est soldé à nouveau par un succès au Luxembourg. Quels étaient les modes de financements préférés des consommateurs? Devinez!
Merci pour votre réaction.
L’incitation à la surconsommation n’est-elle pas à l’origine de la crise financière déclenchée à partir des Etats-Unis déjà bien avant 2007 ? Des taux d’intérêt bas et une spéculation sur la hausse continue des prix immobiliers aux Etats-Unis ont donné l’impression aux ménages américains de pouvoir consommer systématiquement plus que ce qu’ils généraient comme revenus. Mais est-ce uniquement un problème US ? Est-ce un problème ou un choix de société ? Des questions complexes dans un monde globalisé, où le consommateur, de mieux en mieux informé via les réseaux interconnectés, a des choix quasiment illimités… .
La décision finale de l’achat ou non d’un bien ou d’un service reste de sa responsabilité.
En matière du marché des automobiles au Grand-Duché, il convient de relever tout un “marketing-mix” d’initiatives: coup de pub renforcé des garagistes pendant le festival, ouvertures spéciales des agences bancaires, renouvellement de la prime Care, le bouche à oreille, etc. Cet ensemble crée une atmosphère très spécifique et incite de nombreuses personnes de “passer à l’acte”, de concrétiser leur projet d’acquisition. In fine, c’est le consommateur qui doit faire ses choix en âme et conscience et en fonction de ses possibilités financières. Le banquier responsable et de confiance peut même l’aider, en n’accordant un crédit qu’en cas d’endettement maîtrisé, non-excessif. Or, le danger du surendettement guette notamment de la part des usuriers et prêteurs peu scrupuleux, souvent situés au-delà de nos frontières, prêtant de l’argent à des conditions souvent scandaleuses. C’est précisément à ces agissements qu’il faudrait mettre fin!
Merci pour le feedback. Je te rejoins dans tes arguments. Il reste à identifier la personne ou l’organisme qui a l’autorité pour freiner les prêteurs sans scrupules dans leur zèle. Je pense également utile d’enseigner aux enfants et jeunes adultes un bonne gestion de leurs ressources financières. Très peu de gens semblent savoir comment gérer leur finances personnelles, organiser leurs extraits bancaires, programmer leur dépenses, remplir leur déclaration d’impôts, etc.
Bravo pour l’initiative!