Mon dernier post (cf. « Projet de budget 2013 : 13 chiffres qui dérangent… ») visait à commenter les principaux chiffres du projet de budget 2013 qui a été déposé à la Chambre des Députés en date du 2 octobre 2012. Le 6 novembre, le Ministre des Finances a présenté les amendements gouvernementaux au projet de loi budgétaire.
Les mesures supplémentaires afférentes permettraient de réduire de quelque 251,5 millions EUR le déficit budgétaire de l’Administration centrale en 2013 par rapport au déficit estimé dans le projet initial du mois d’octobre (soit un déficit de 1.041,3 millions EUR au lieu de 1.292,2 millions EUR). Il est à regretter que sur ce total de 251,5 millions, les efforts d’économie ne s’élèvent qu’à 70 millions, alors que les augmentations des recettes (via hausse des impôts) se chiffrent à 181,5 millions.
D’un point de vue assainissement budgétaire, les amendements vont certes dans la bonne direction, mais n’arrangent rien au vu de l’insuffisance de leur portée quant à la dynamique des grands blocs de dépenses, au vu de l’absence de mesures structurelles du côté des dépenses et au vu des dangers inhérents à certaines mesures d’augmentation des impôts (cf. notamment doublement de l’impôt minimum sur les Soparfis de 1500 à 3000 EUR).
Les chiffres clés du budget 2013 resteront ainsi fortement marqués par la crise et se présentent désormais comme suit : le déficit de l’Administration publique (Administration centrale, Administrations locales, sécurité sociale) sera en 2013 de 382,9 millions EUR, ce qui correspond à 0,8 % du PIB. Lors du dépôt du budget en octobre, le déficit de l’Administration publique correspondait à 1,5% du PIB (684,5 millions EUR). L’amélioration du solde global de l’Administration publique, soit 301,5 millions EUR, est plus important que celle dans le chef de la seule Administration centrale (251,5 millions EUR) étant donné la correction vers le haut du solde de la sécurité sociale (excédent de 647,2 millions EUR au lieu d’un surplus de 597,2 millions EUR au titre de l’année budgétaire 2013).
Le déficit de l’administration centrale sera en 2013 de l’ordre de 1.041,3 millions EUR, ce qui correspond à 2,3 % du PIB. En octobre, le déficit de l’administration centrale représentait 2,8% du PIB.
En italique rouge ci-dessous sont illustrés les effets des amendements sur les principaux chiffres que j’avais commentés après le dépôt du projet de budget début octobre.
- 1.292.900.000 EUR : déficit de l’Administration centrale prévu pour 2013
1.041.300.000 EUR : déficit de l’Administration centrale prévu pour 2013 après prise en compte des amendements présentés le 6 novembre 2012
A titre de comparaison : excédent de 655,2 millions EUR en 2001, faible déficit de 68,9 millions EUR en 2008. Déficit de 989,1 millions EUR « seulement » pendant l’année de crise par excellence 2009.
- 504.900.000 EUR : sous-estimation du déficit de l’Etat 2012 (différence entre résultat prévisionnel 2012 et budget voté 2012). Soit une sous-estimation de 44,2%.
A titre de comparaison : budget 2011 : déficit initialement prévu de 1.401,2 millions EUR, par rapport au réalisé 2011 : 1.043,1 millions EUR (soit « amélioration » de 358,1 millions EUR du réalisé 2011 par rapport au budget voté pour l’année en question).
- 11.866.400.000 EUR : niveau de la dette publique 2013 (maximum autorisé), soit 22.700 EUR par habitant.
11.564.900.000 EUR : niveau de la dette publique 2013 (maximum autorisé) après prise en compte des amendements présentés le 6 novembre 2012 (soit 22.000 EUR par habitant)
A titre de comparaison : dette publique de 1.473.300.000 EUR en 2001 (soit 3.350 EUR par habitant), 5.394.900.000 EUR en 2008 (soit 11.150 EUR par habitant. Ce montant inclut l’emprunt contracté en 2008 de 2 milliards EUR au titre de la stabilisation du secteur financier) et 7.785.900.000 EUR en 2011 (soit 15.200 EUR par habitant). En 2005, la dette s’élevait à 1.837,5 millions EUR, soit 6,1% du PIB ou encore 3.985 EUR par habitant.
- +124.700.000 EUR : augmentation de la rubrique « rémunération des salariés » dans l’Administration centrale par rapport au budget 2012. Soit une progression de 4,6%.
+119.700.000 EUR : augmentation de la rubrique « rémunération des salariés » dans l’Administration centrale par rapport au budget 2012 après prise en compte des amendements présentés le 6 novembre 2012
A titre de comparaison : Les dépenses de rémunération (dans le chef de l’Etat c.-à-d. hors communes et sécurité sociale) s’élèveront à 2,861 (2,856) milliards EUR en 2013, soit 12% (11%) de plus qu’en 2011 (progression sur deux ans) ou encore 39% ( de plus qu’en 2008 (progression sur 5 ans). En un peu plus de 11 ans (2002 par rapport à 2013), ces dépenses ont doublé (+104%,+103%) entre fin 2002 et fin 2013). L’indexation des salaires (9 tranches entre fin 2002 et octobre 2012) n’expliquent « que » 22,5%, soit moins d’un quart, de cette hausse.
- +47.100.000 EUR : augmentation des dépenses de fonctionnement en 2013 (consommation intermédiaire) par rapport au budget 2012, ce qui représente une hausse de 4,7%.
A titre de comparaison : ces dépenses ont augmenté de 35% entre fin 2008 et 2013, soit en 5 ans. Sur ce même laps de temps, l’inflation cumulée (2009, 2010, 2011, 2012, 2013) se sera élevée à environ 11%. Ainsi, les pures dépenses de fonctionnement de l’Etat ont, sur cette période quinquennale, progressé plus de trois fois plus vite que la hausse générale des prix.
- +92.300.000 EUR : augmentation des dépenses du fonds pour l’emploi, suite à la hausse importante du chômage au Luxembourg.
+77.300.000 EUR : augmentation des dépenses du fonds pour l’emploi après prise en compte des amendements présentés le 6 novembre 2012
A titre de comparaison : le fonds pour l’emploi dépenserait 682,6 (667,6) millions EUR en 2013, contre 536,8 millions deux ans auparavant, soit une hausse de +27% (+24%) depuis 2011. La seule prise en charge du chômage s’élèverait à 313.000.000 EUR en 2013, soit une hausse de 99,6 millions EUR ou de +46,3% sur un laps de temps de seulement 2 ans. En 2008, le fonds pour l’emploi avait dépensé 384,7 millions EUR au total, soit 297,97 (282,9) millions EUR ou 77% (74%) de moins qu’en 2013. La prise en charge du chômage en 2008, pour un montant total de 131,3 millions EUR, avait représenté 41% du coût équivalent de cette même dépense à acter en 2013.
- 3 : nombre de lycées qui pourraient être financés à travers la charge des intérêts de la dette publique (217.000.000 EUR). Si les taux d’intérêts augmentaient d’un demi-pourcent, la charge d’intérêt augmenterait d’un montant équivalent au coût d’un lycée supplémentaire.
A titre de comparaison : En 2008, la charge d’intérêts s’était élevée qu’à 28,3 millions EUR, soit moins de 15% de la charge au titre de l’année 2013. En 2011, la charge afférente s’élevait à 196,3 millions EUR, soit 10,5% de moins qu’en 2013.
- 26,2% : taux d’endettement public probable en fin d’exercice 2013.
25,5% : taux d’endettement public probable en fin d’exercice 2013 après prise en compte des amendements présentés le 6 novembre 2012
A titre de comparaison : En 2005, la dette s’élevait à 6,1% relativement au PIB. En 2007, le taux d’endettement s’est élevé à 6,7%. En 2013, d’après le projet de budget 2013, la dette publique s’élèverait donc à 26,2% (25,5%) du PIB. Hors la dette contractée en vertu de la stabilisation du secteur financier en 2008 (2 milliards EUR, refinancés intégralement en 2013 par l’émission d’un emprunt à niveau équivalent) et abstraction faite du milliard EUR emprunté en 2013 mais « réservé », d’après la présentation de L. Frieden à la CHD au moment du dépôt du projet de budget 2013, au titre de la stabilisation de le zone Euro / du concours du Luxembourg au capital du FMI, etc., la dette fin 2013 s’élèverait à 19,5% (18,9%) par rapport au PIB. Entre 2005 et 2013, la dette aura donc progressé d’un facteur 6,5 (6,3) (dette totale), respectivement d’un facteur 4,8 (4,7) (hors mesures secteur financier / stabilisation).
- +3,5% : augmentation des dépenses par rapport au budget 2012, soit plus du double de la croissance économique espérée pour 2013.
+3,0% : augmentation des dépenses par rapport au budget 2012, soit presque le double de la croissance économique espérée pour 2013 (après prise en compte des amendements présentés le 6 novembre 2012)
A titre de comparaison : Depuis fin 2008, les dépenses totales de l’Administration centrale ont progressé de 34,3% (33,7%). En même temps, les recettes à disposition de l’Etat n’ont pourtant augmenté que de l’ordre de 22,8% (24,5%). Relevons encore qu’entre fin 2008 et fin 2013 notre PIB réel (c.-à-d. après prise en compte de l’inflation) ne progressera probablement que le l’ordre de 0,5%…. au total.
- +11,7% : augmentation des dépenses par rapport au compte 2011.
- 1,5% : part des dépenses totales affectée au paiement des intérêts de la dette publique.
A titre de comparaison : En 2008, la charge d’intérêts s’était élevée qu’à 28,3 millions EUR, ce qui représente 0,3% des dépenses totales. En 2011, la charge afférente s’élevait à 196,3 millions EUR, soit 1,5% des dépenses totales.
- -44,8% : détérioration de l’excédent de la sécurité sociale entre 2008 et 2013.
-40,1% : détérioration de l’excédent de la sécurité sociale entre 2008 et 2013 après prise en compte des amendements présentés le 6 novembre 2012
A titre de comparaison : Il s’agit de l’excédent le plus faible depuis 2005. L’excédent serait de 597,2 (647,2) millions EUR en 2013, contre 1.081,8 millions EUR en 2008.
- +141% : augmentation totale des dépenses de l’Etat entre 2000 et 2013, les recettes ayant progressé de 98,5%.
+140% : augmentation totale des dépenses de l’Etat entre 2000 et 2013 après prise en compte des amendements présentés le 6 novembre 2012
Voici, pour rappel, la composition du budget des dépenses 2013 de l’Administration centrale (par ordre décroissant d’importance) :
- Transferts de revenus à la sécurité sociale (contribution de l’Etat aux Assurances pension, maladie, etc., allocations familiales) : 26,3%
- Rémunérations : 20,1%
- Investissements directs et indirects : 12,2%
- Autres transferts de revenus (ménages, UE, étranger, asbl, etc.) : 10,5%
- Prestations sociales (Chômage, RMG, etc.) : 9,1%
- Transferts de revenus aux communes : 7,6%
- Dépenses de consommation (frais de consommation) : 7,4%
- Subsides, Subventions (Services public d’autobus, aide au logement…) : 5,3%
- Intérêts de la dette publique 1,5%
Au vu de l’évolution dynamique et des nombreux automatismes inhérents aux grands blocs des dépenses publiques, et notamment au niveau des frais de fonctionnement de l’Etat et des dépenses de sécurité sociale (et ceci sans considération de l’évolution des recettes), il est à saluer que le Gouvernement a annoncé une mise à plat et une radiographie de toutes les dépenses au cours des prochains mois, afin de mieux exploiter le potentiel d’économies et d’augmentation de l’efficience sous-jacent aux nombreux postes de dépenses.
Une telle approche est hautement urgente. Elle devrait reposer notamment sur les recommandations du rapport OCDE de 2011, intitulé « La procédure budgétaire au Luxembourg : Analyse et recommandations », mais devrait également respecter les exigences du nouveau Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l’Union économique et monétaire (TSCG), signé le 2 mars 2012 par 25 Etats membres de l’UE (soit, l’ensemble des Etats membres hormis le Royaume-Uni et la République tchèque), qui vise une consolidation budgétaire plus solide et contraignante.
Dans mon prochain post, je commenterai plus en détail ce fameux TSCG, qui devrait entrer en vigueur au 1er janvier 2013.
Ce budget n’est pas adapté à la réalité dans laquelle on se trouve. Le gouvernement nous a dit qu’il allait trouver des mesures d’épargne additionnelles mais en fait la majorité des efforts doivent être faites par les familles avec enfants ainsi que les sociétés. Comment peut-on défendre une augmentation des salaires des fonctionnaires, déjà trop nombreux, vs. un nombre de plus en plus important de chomeurs? Comment peut-on défendre de taxer d’avantage les sociétés si ce sont elles qui fournissent la plupart des non-fonctionnaires avec des emplois? Comment peut-on même encore ôser de parler d’un tram dont nul en voit le besoin, si ce ne sont les membres de notre gouvernement. Ce budget est une farce!
Le doublement d’imposition forfaitaire des SOPARFI n’est pas seulement une “non-mesure” par rapport au problème à résoudre, mais est arbitraire tout en pénalisant les entrepreneurs en série par rapport aux grands déteneurs de participations. Monsieur Frieden fait en fait une fois de plus, ce qu’il ne faut absolument pas faire dans la situation actuelle: rendre encore plus difficile/onéreux créations et cessions d’entreprises, et apporter imprévisibilité dans la législation afférente. Si demain nous sommes encore plus dans la merde pourquoi ne pas définir des impositions forfaitaires à 6000, 12000, 24000, 48000 …. Entrepreneurs, devenez fonctionnaires ou sauvez-vous tout simplement!!
Merci pour votre post.
L’impact favorable de l’impôt SOPARFI sur les recettes fiscales sera fortement régressif, puisque de nombreuses entités seront délocalisées vers des juridictions plus intéressantes et moins coûteuses de sorte que l’assiette de cette imposition se rétrécira sérieusement.
Alors que l’impôt SOPARFI, en soi, a seulement été introduit en 2011 (et les ramifications à moyen et à long terme de cet impôt n’étant pas connu au jour d’aujourd’hui), il est proposé, maintenant, un doublement de cette taxe (hors impôt de solidarité). Les arguments quant au fond n’ayant pas changé depuis 2011, le Luxembourg à travers l’amendement projeté, ne réduira pas seulement davantage sa compétitivité fiscale dans le chef des sociétés financières, mais fait un pas de plus vers l’effritement irrémédiable d’un de ces atouts traditionnels : la stabilité et la prévisibilité du cadre fiscal.
Le doublement de cet impôt deux ans seulement après son introduction mine la crédibilité des autorités dans le chef des investisseurs étrangers et menace en outre directement le déploiement de la stratégie de « headquartering », pourtant élevée au titre de priorité en matière de diversification du tissu économique national. Une telle façon de procéder est de nature à compromettre fortement l’attractivité fiscale du Grand-Duché et les futures bases imposables.
Les pays et territoires concurrents ne manqueront pas à se repositionner suite à ce resserrement fiscal significatif au Grand-Duché. En ce sens, la plus-value fiscale escomptée de cet impôt (50 millions EUR) risque d’être de très courte durée.
La vraie solution pour assainir nos finances publiques réside du côté des dépenses: il faut une nouvelle gouvernance en matière des dépenses publiques au Luxembourg !
Just commenting on the Soparfi tax. Existing and potential clients are constantly comparing corporation cost between Luxembourg and other jurisdictions like Cyprus, Ireland, etc. The 1500 tax one year ago made them raise an eyebrow, the doubling to 3000 will get them going. This tax increases the gap between us and other European countries who are happy to accomodate the cost concious ones. Luxembourg Soparfis suffer already from high labour (administration) cost, high rental/domiciliation costs, and now, la cerise sur le gateau, high minimum taxes. Large companies will not mind, the 3000 is just a bleep on their balance sheet. But most of the approx. 30.000 companies are small and pay 10-20.000 per year to fiduciaries, lawyers, banks, accountants, notaries. Midsize Soparfis pay rent, salaries, social costs and also need lawyers, banks, notaries, and so on. All of them pay Luxembourg VAT as end-users. Many countries offer the European tax regime to this kind of companies which makes this market highly mobile. Somebody should calculate the expected tax income of 50mio against the potential loss of domestic sales and VAT. In my opinion, It would have been better to increase investment fund taxes slightly, as a) funds are difficult to move to other jurisdictions and b) we have a real fund monopoly with local know-how which to many promoters is worth a higher price. Just my 2 cents.