Entre 1985 et 2007, l’économie luxembourgeoise a connu une croissance annuelle moyenne de 5,3%. A juste titre, cette période est qualifiée de « 20 splendides ». Force est de constater que cette croissance aura été plus extensive, donc basée sur une hausse permanente de l’emploi, qu’intensive, donc basée sur des gains de productivité. Ainsi, sur cette période, l’emploi intérieur a progressé de 3,4% en moyenne annuelle, tandis que la productivité du travail[1] ne progressait que de 2% par an. Avec la crise, le taux de création d’emploi a baissé à 0,9% en juin 2013 – pour stagner voire être négatif dans certains secteurs. De même, la productivité a continué à baisser, notamment à travers le phénomène du « labour hoarding ». Le financement du système d’assurance pension réformé requiert à long terme une croissance de l’emploi de 1,5% par année, idem pour la productivité. Nous en sommes loin puisque la productivité du travail a baissé en moyenne de 3,6% l’an sur la période 2007 à 2011 !
Dans une situation démographique qui joue en défaveur du Luxembourg (hormis le phénomène de l’immigration), il faudra à l’avenir davantage miser sur une croissance intensive, donc résultant de gains d’efficience et de productivité. Par ailleurs, au cours des dernières années, la structure de notre économie a fondamentalement changé, un phénomène qui a été accéléré par la crise ; en effet, les secteurs qui ont généré beaucoup d’emplois ne le feront plus nécessairement demain. Les secteurs créateurs d’emplois de demain recruteront des compétences et profils spécialisés, plus ou moins hautement qualifiés. Les faibles qualifications ne seront plus demandées. Déjà aujourd’hui, 60% des chômeurs ne sont pas ou faiblement qualifiés. Leur évincement du marché de l’emploi est accéléré par un salaire social minimum dont le niveau dépasse largement la contrepartie en termes de productivité.
Dans un tel contexte, comment générer encore suffisamment de valeur ou de richesse pour maintenir notre niveau de vie actuel et la protection sociale qui va avec ? Est-il réaliste, opportun, voire nécessaire de considérer que le niveau de vie actuel du Luxembourg doit être la norme ?
Sans entrer dans des débats philosophiques, je suis d’avis que le futur modèle luxembourgeois pourrait très bien fonctionner suivant le principe du « faire mieux avec moins ». En effet, le modèle de croissance extensive dans lequel nous nous trouvions encore juste avant la crise comporte des externalités négatives non soutenables à long terme face à des ressources (financières, humaines, naturelles, énergétiques, …) de plus en plus rares, ce qui comporte des coûts de plus en plus importants à charge de la société.
Faire mieux …
… c’est une question de gouvernance. Un chef d’entreprise qui se trouve en situation de baisse de la demande, du chiffre d’affaires, de rentabilité essaie d’optimiser son organisation, son fonctionnement, son approche client, sa relation avec les fournisseurs etc. L’Etat devrait faire de même. Par une gouvernance optimisée, dont les performances seraient régulièrement mesurées à travers des indicateurs factuels, le service aux administrés, citoyens et entreprises, pourrait être amélioré.
Prenons les 10 fonctions essentielles qu’un Etat est appelé à assurer (optique Nations Unies) :
- Services généraux des administrations publiques
- Défense
- Ordre et sécurité publics
- Affaires économiques
- Protection de l’environnement
- Logements et équipements collectifs
- Santé
- Loisirs, culture et culte
- Enseignement
- Protection sociale
Pour chaque fonction essentielle, nombreuses sont les possibilités de faire mieux, pour rendre les services afférents plus efficaces. Il faudrait, pour chaque fonction, définir des objectifs à atteindre et mesurer les progrès réalisés au travers d’indicateurs. A titre d’exemple, pour la fonction « logement », l’Etat pourrait définir un certain quota de logements sociaux à réaliser chaque année. Après, il doit se donner les moyens d’y arriver ; probablement en ouvrant davantage ce marché aux promoteurs privés.
Pour la fonction « équipements collectifs », une optimisation des modes de transports en commun, adaptés aux besoins de la population (active) résidente et non résidente permettrait de recourir à des solutions de mobilité moins coûteuses à charge du budget de l’Etat : moins de bouchons (et moins d’accidents) permettraient également d’augmenter la productivité de nombreux travailleurs, tout en augmentant leur qualité de vie.
Dans l’éducation, l’on pourrait définir des objectifs à atteindre en matière de quote-part de diplômés ou encore des limites supérieures de décrochage scolaire. Moins d’échec scolaire permettrait de réduire la surpopulation dans les établissements scolaires et de libérer des moyens permettant de mieux stimuler les meilleurs élèves et de mieux soutenir les plus faibles. Les enseignants ne devraient plus être de simples transmetteurs de savoir, mais faciliter les connaissances, gérer des groupes hautement hétérogènes, motiver, responsabiliser et valoriser l’effort personnel et collectif au sein de leurs classes.
Dès que les objectifs sont connus, il s’agit de mettre en œuvre les politiques permettant de les atteindre. En termes de bonne gouvernance, nous saurions à quoi servent les ressources ainsi déployées : au lieu d’être une fin en soi, ce seraient les moyens de parvenir à nos fins. Ceci suppose un changement de paradigme radical : ne plus considérer comme acquis tout ce que nous avons « toujours fait », mais s’interroger quant aux finalités de l’intervention de l’Etat.
… avec moins
Nous avons compris, c’est une question de moyens à disposition. Une utilisation sous-optimale des moyens à disposition met en difficulté toute entreprise, et également un Etat. Pour l’Etat, ces moyens ont fondu avec la crise.
Moins de procédures, d’actes administratifs, d’étapes et d’opérations permettent une administration moins lourde, et les agents publics, ainsi libérés, pourraient se consacrer à d’autres services au profit des citoyens.
Moins de ministères et d’administrations, ce qui devrait découler du premier point, moins de cloisonnements entre les différentes fonctions et missions de l’Etat, contribueraient à une baisse considérable des dépenses courantes de fonctionnement et limiteraient le risque de politiques contradictoires.
Moins d’années d’études au sein de l’enseignement secondaire. Pourquoi ne pas réduire la durée de l’enseignement secondaire de 7 à 6 années scolaires, à l’instar de la pratique connue dans nos pays voisins ? Evidemment, ceci requiert une autre organisation des programmes, par exemple, au niveau de la façon d’enseigner les langues. Je plaide pour un système d’alphabétisation dualiste (allemand ou français) et un apprentissage de la deuxième langue à un niveau de compétence inférieur.
Moins de foncier requis pour la réalisation de grands projets immobiliers résidentiels et non-résidentiels permettrait une utilisation plus rationnelle de terrains (qui sont rares et chers). Qu’est-ce qui empêche la modification de nombreux plans d’aménagement pour permettre, du moins dans les zones urbaines, la construction d’immeubles ayant quelques étages en plus ?
Moins de transferts sociaux (et de subsides…) en les regroupant suivant une finalité précise et des critères d’allocation sélectifs, ce dont pourraient bénéficier les ménages les plus démunis, tant en termes de montant alloué que de simplification dans l’attribution. Ceci permettrait par la même occasion d’abolir les pièges à l’emploi, résultant d’allocations stimulant l’inactivité au lieu d’inciter à la recherche active d’un emploi.
Cette énumération pourrait se poursuivre.
Il est donc temps de revoir le modèle luxembourgeois suivant le principe « faire mieux avec moins ». Cet exercice doit s’appliquer avant tout à la gouvernance budgétaire du Luxembourg. Avec la perte à venir de certaines recettes et la baisse de la croissance potentielle qui de facto va engendrer un ralentissement de la dynamique des recettes, les finances publiques risquent de se détériorer davantage. Il faudra mieux analyser l’opportunité de chaque dépense existante, l’efficacité de chaque euro dépensé et l’utilité de chaque nouvelle dépense.
Au-delà du principe « faire mieux avec moins », qui est à ranger du côté du « savoir faire », il faudra également investir de façon optimale dans le « faire savoir », c’est-à-dire la promotion du Luxembourg et de ses valeurs (« nation branding ») et de l’économie luxembourgeoise (promotion sectorielle, des entreprises, des clusters, …) à l’étranger, pour faire une publicité professionnelle, moderne et concertée des atouts du pays et de ses acteurs économiques et pour contrer efficacement et sans complexes le Luxembourg-bashing (cf. dans ce contexte le modèle suisse « Presence Switzerland, créé par la loi fédérale de 2000).
Le slogan du futur modèle luxembourgeois, basé sur l’attractivité, l’efficience, l’équité et la soutenabilité, ne devrait-il justement pas être décliné du principe « faire mieux avec moins », preuve de qualité, d’efficience, d’anticipation et d’utilisation rationnelle des ressources ?
[1] Mesurée par la valeur ajoutée par heure travaillée.
l armee ne me parait pas necessaire andorre monaco n en ont pas
7 echellons pour former des fonctionnaires est stupide
vous avez oublie qu 1 etat doit avoir 1 budget en equilibre ce qui n est plus le cas vu que les depenses publiques explosent.
1 budget en equilibre devrait etre constitutionnel le premier principe mais bon depenser l argent ou gaspiller est 1 gene politique je crois
“Les enseignants ne devraient plus être de simples transmetteurs de savoir, mais faciliter les connaissances, gérer des groupes hautement hétérogènes, motiver, responsabiliser et valoriser l’effort personnel et collectif au sein de leurs classes.”
En effet, ceci est la pratique, les enseignants sont bien plus que des simples transmetteurs -et cela n’est pas une nouveauté. Cela n’aidera pourtant pas à diminuer l’échec scolaire ou à réaliser des quotas. Les écoles ne sont pas des îles isolées. Les élèves passent plus de temps à d’autres endroits que l’école. Pour que l’école puisse arriver à ses buts, il faudrait que l’éducation soit considérée comme un système complexe qui subit les influences du style de vie de la société. Aussi longtemps que l’école ne représente pas plus qu’une corvée pour beaucoup d’élèves, les résultats scolaires ne vont pas s’améliorer. Malheureusement l’école ne représente plus une “chance” comme c’était le cas dans le passé. Les jeunes jouissent de tout confort dans notre société. La désillusion vient plus tard – trop tard.