2015 a souvent été présenté comme l’année du « triple choc » qui verrait le Luxembourg devoir composer avec la hausse de TVA, les pertes de recettes en lien avec le commerce électronique, et la levée partielle du secret bancaire ; on y est.
Au milieu de l’année dernière, il était encore communément admis que ces trois chocs seraient les principaux auxquels le Grand-Duché devrait faire face. Puis, il y a eu la chute du pétrole, les sanctions à l’encontre de la Russie suite au conflit russo-ukrainien, l’accélération de la croissance américaine, le plan Juncker, l’annonce d’élections anticipées en Grèce; autant d’événements qui en 2015, agiront comme chocs – tantôt positifs, tantôt négatifs – sur l’économie mondiale. Ces chocs seront autant d’évènements marquants qui rythmeront la macro-économie mondiale cette année… et par ricochet l’économie luxembourgeoise, économie ouverte par excellence.
Le pétrole actuellement sous la barre des 50 dollars le baril bat des records de « prix bas », un niveau inédit depuis 1981 si l’inflation est prise en compte. Pour autant que la demande soit au rendez-vous, c’est un choc d’offre positif qui selon les calculs du FMI pourrait rapporter jusqu’à 0,8% de croissance supplémentaire à l’économie mondiale, une excellente nouvelle donc, notamment pour les pays importateurs de pétrole, au premier rang desquels l’Europe. Revers de la médaille, cette faiblesse des prix du pétrole alimente la spirale déflationniste (redoutée dans la vieille Europe), et risque de mettre à mal le développement économique et la lutte contre les inégalités (sur lesquels repose le calme social) de certains pays émergents très dépendants des revenus pétroliers.
Les chiffres ne mentent pas ! Les sanctions occidentales pénalisent certes avant tout l’économie russe -chute du rouble, fonte des réserves de la Banque centrale russe, récession, etc.- cependant, elles ont également des effets sensibles sur la croissance des économies européennes les plus exposées à l’économie russe (Chypre, Allemagne, Finlande, Pays baltes, etc.). Plus inquiétant, on observe avec les contre-mesures russes que certaines importations du pays (denrées agricoles, biens durables) qui jadis provenaient d’Europe sont depuis importées d’Amérique latine ou du Japon. Une tendance, qui si elle devrait se poursuivre, risque de se transformer en perte de parts de marché définitive pour les exportateurs européens. La question de la résolution du différend « russo-ukrainien-européen » est donc une obligation à court terme, pour des raisons évidentes de nécessité d’avoir la paix aux portes de l’Europe, et pour des raisons économiques.
Après un début d’année 2014 timide, la croissance américaine a accéléré de telle façon que la crise ne semble être qu’un lointain souvenir pour les Etats-Unis. En conséquence, la Banque centrale américaine devrait à (très ?) moyen terme commencer la remontée de son taux directeur. Bonne nouvelle pour les Etats-Unis… mais pas forcément pour le reste du monde. Ce retour à la normale aux Etats-Unis, alors que la vieille Europe peine à amorcer une vraie reprise et que les pays émergents n’ont toujours pas retrouvé un second souffle, peut, dans un jeu de comparaison, rendre les marchés financiers particulièrement sévères envers la zone euro et volatiles par rapport aux pays émergents. La question de l’exit de la politique monétaire très accommodante de la FED au moment où la BCE y entrera est en tout cas un point à surveiller.
En novembre dernier, le nouveau président de la Commission européenne (Jean Claude Juncker) a créé l’évènement en présentant un plan (ambitieux pour certains, trop timide pour d’autres) de 315 milliards d’euros destinés à relancer l’investissement en Europe. Après les effets d’annonce, ce plan devra être mis en route, sans oublier la suppression des obstacles réglementaires nécessaires pour rendre l’Europe plus attrayante qui devrait l’accompagner. La question de la capacité de la Commission et des Etats membres à faire de ce plan un élément du renouveau de l’Europe est vitale ; il faudra faire de ce plan une réalité et non pas un simple projet.
Les élections européennes de 2014, entre abstention record et montée de partis eurosceptiques, ont montré que le projet d’Union des destins européens avait besoin d’un second souffle. Que certains (par maladresse ou cynisme) se remettent à évoquer la possibilité d’une sortie de la Grèce de la zone euro semble dans ce contexte malvenu. « On ne ferme pas la porte à Platon », la célèbre formule du président français Valérie Giscard d’Estaing devrait rester une invariable assertion. La question de la soutenabilité de la dette publique grecque et de la place du pays dans la zone euro risque fort d’être de nouveau l’élément majeur à gérer pour la zone euro en 2015. Aux Européens convaincus d’être à la hauteur.
Toutes ces questions (et d’autres) influenceront les décisions de politiques économiques cette année. Certaines concernent de très près le Luxembourg (plan Juncker, situation grecque et en zone euro, politique monétaire de la BCE, situation russe) et viendront s’ajouter au nécessaire pilotage du triple choc précité que subira l’économie du Grand-Duché. Cela plaide pour une mise en commun des forces vives de la Nation. A ce titre, l’annonce de la tenue d’une réunion tripartite sous l’égide du CES le 26 janvier prochain est une bonne nouvelle.
La lutte contre le chômage, la diversification économique et géographique de nos exportations, ainsi que la simplification dans tous les sens du terme – administrative, réglementaire, relative au droit de travail et j’en passe – sont autant des chantiers à poursuivre en 2015, au même titre que l’amélioration de la compétitivité. Composer avec les défis que nous posent les grandes tendances mondiales et européennes et avancer à notre niveau afin de résoudre nos défis « faits maison », telle doit être la double devise en 2015 qui permettra à notre pays à tirer son épingle du jeu. Par ailleurs, le Luxembourg, dans le cadre de sa Présidence du Conseil de l’UE, aura la formidable chance de pouvoir poser d’importants jalons afin de renouer, en Europe, avec une politique structurelle visant à donner des impulsions nouvelles aux réformes de l’Union européenne, visant notamment le soutien des PME en Europe et l’achèvement du marché intérieur.