La Présidence luxembourgeoise du Conseil de l’Union européenne est officiellement lancée! A compter d’aujourd’hui, le Grand-Duché aura six mois pour donner une nouvelle impulsion au projet européen. Pour la 12ème fois, notre pays a l’honneur de veiller à cette mission importante, consistant à fixer un agenda ambitieux pour faire avancer l’Union sur un plan socio-économique et politique et à rappeler aux citoyens la valeur ajoutée de l’Union. A cette fin, il y a lieu de mener à bien un ensemble d’actions concrètes et parfois complexes, mais qui sont clairement dans l’intérêt des économies européennes et donc des citoyens.
Les 7 priorités (nombre sacré…) pour ce deuxième semestre sont connues : le Luxembourg vise, dans le cadre de sa Présidence, à mobiliser les investissements pour la croissance et l’emploi et donc à mettre en musique le plan d’investissement de la Commission, à approfondir la dimension sociale européenne, gérer la migration, redynamiser le marché intérieur en promouvant le numérique, placer la compétitivité européenne dans un cadre global et plus transparent, promouvoir une démarche de développement durable ainsi qu’à renforcer la présence de l’Union européenne dans le monde.
Une priorité qui se situe au cœur même du projet européen et de la politique du Grand-Duché, et qui constitue un fil rouge des actions menées à ces deux niveaux, est le soutien aux PME sur tous les plans. Je tiens à rappeler que les PME, qui sont au nombre de 21,6 millions en Europe, constituent la pierre angulaire de l’économie européenne: elles représentent 99,5% de toutes les entreprises en Europe, 58,1% de la valeur ajoutée et comptent 89 millions d’emplois dans le secteur marchand non-financier [1]. Près de 67% de la main-d’œuvre occupée sur le territoire de l’Union européenne travaille dans une PME. Les chiffres ne sont pas moins impressionnants pour le Luxembourg, où la part de la valeur ajoutée créée par les PME est de 17% supérieure à la moyenne de l’Union européenne. En parcourant l’agenda de la Présidence luxembourgeoise, il me semble – je m’en réjouis bien entendu – que les PME vont pouvoir en tirer un bénéfice important, avec un effet stimulant sur la création d’emplois et sur l’investissement au Luxembourg et en Europe.
A cet égard, il est intéressant de se pencher sur les grandes priorités de la Présidence luxembourgeoise, tout en faisant le lien avec les besoins des entreprises et des PME.
Une enveloppe de 75 milliards d’euros pour les PME
Afin d’accroître les investissements, dont la part dans le PIB de l’UE-28 avait régressé de plus de 3 points de PIB sur les six dernières années (passant de 22,9% du PIB en 2008 à 19,8% en 2014) [2], la Commission a prévu de débloquer un plan de 315 milliards d’euros pour la période 2015-2018 afin de contribuer à combler le « gap » d’investissements correspondant. Sur ce montant traduisant un objectif tout à fait louable, 75 milliards d’euros, c’est-à-dire 23,8% du budget total de 315 milliards d’euros destiné à la relance de l’investissement, vont être canalisés vers les PME et entreprises à moyenne capitalisation [3].
Toutefois, les efforts ne doivent pas se limiter à consacrer à ces entreprises une enveloppe budgétaire qui sera épuisée à moyen terme. Le caractère de plus en plus innovant de leurs activités requiert des sources de financement plus diversifiées. Tandis que les PME américaines peuvent recourir à une large gamme de financements de marché, leurs homologues européens sont fortement tributaires du seul crédit bancaire. Or, le crédit bancaire ne peut pas toujours répondre aux besoins spécifiques des PME européennes. De nombreuses demandes de start-ups, dont les projets sont encore souvent méconnus du grand public et qui sont peut-être des Google en puissance, rencontrent des problèmes de financement, en raison notamment d’une approche plus prudente (souvent imposée par la règlementation du secteur bancaire en Europe) suite à la crise. Lire que la création de l’Union des marchés des capitaux figure sur la liste des priorités de la Présidence luxembourgeoise est donc une excellente nouvelle.
Donner un nouvel élan au marché intérieur en passant par le numérique
Tout aussi réjouissant : l’annonce d’une intégration plus approfondie du marché intérieur. Il ne peut pas être nié que les PME sont trop souvent confrontées à des charges réglementaires trop lourdes. Afin de promouvoir les exportations, il convient de faciliter impérativement l’accès des PME aux marchés étrangers, en passant par une harmonisation et en adoptant plus largement le principe de reconnaissance mutuelle comme norme pour les échanges commerciaux au sein de l’Union européenne. Le Luxembourg s’est donné un objectif ambitieux. S’il réussit à faire avancer ce dossier, les PME nationales pourraient à l’avenir développer plus facilement leurs activités commerciales à l’étranger et devenir des acteurs d’envergure à l’échelle européenne.
Le domaine qui bénéficiera d’une attention particulière dans ce contexte est le secteur numérique, soit un secteur qui a connu ces dernières années une progression fulgurante en termes d’emplois au Luxembourg. Eliminer les entraves au commerce électronique, c’est préparer le futur. De nombreuses PME pourraient en profiter pour se faire connaître et croître en dehors du pays de leur siège social.
Doter la compétitivité européenne d’un cadre global et transparent
La Présidence mettra également l’accent sur la création d’un cadre propice à la compétitivité des entreprises européennes. La raison sous-jacente à l’accent mis sur ce domaine est évidente: la compétitivité est l’oxygène des PME. Leur pérennité dépend de leur productivité et de la qualité de l’environnement des affaires. A cet égard, il est crucial de faire preuve d’un haut niveau d’ambition pour ce qui est de la simplification administrative. Cette dernière faciliterait considérablement les démarches des entreprises. Un autre travail important à effectuer dans ce cadre est de leur assurer un meilleur accès aux programmes et aides européens. En ce qui concerne la politique commerciale, il y a également lieu de tenir compte de leurs besoins spécifiques dans les accords de libre-échange, tels que le Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP). Le TTIP, pourvu qu’il soit bien ficelé et basé sur une véritable relation « win-win » entre l’UE et les Etats-Unis, permettrait aux PME, acteurs économiques qui peinent à l’heure actuelle à supporter les coûts liés aux barrières non tarifaires, de prendre pied sur le marché américain. L’offensive en faveur du TTIP, et sa discussion plus large, voulues par la Présidence luxembourgeoise, sont ainsi à saluer.
Approfondir la dimension sociale de l’UE
Afin de lutter contre la progression des inégalités sociales qui nuisent à la compétitivité économique de l’UE en altérant le capital humain, la Présidence luxembourgeoise accordera un haut degré d’importance à l’investissement dans le capital humain. L’un des principaux objectifs est d’agir contre le chômage, notamment en facilitant la transition entre l’école et le monde du travail. Le premier contact doit avoir lieu le plus tôt possible, afin que les jeunes puissent se faire une première idée des réalités professionnelles, qui les aidera à opérer un choix réellement valorisant pour leur futur. Eveiller l’intérêt des jeunes en leur montrant les nombreuses opportunités qu’offre le marché du travail européen, c’est former le personnel futur des entreprises, qui peinent souvent à trouver les qualifications nécessaires au développement de leurs activités, malgré un chômage à haut niveau.
Gérer la migration
La tragédie migratoire en Méditerranée a souligné l’urgence de rendre la politique migratoire plus efficace. Il revient aux Etats-membres de l’Union de renforcer la solidarité et d’élaborer un plan cohérent pour faire face à une telle catastrophe humanitaire. Se dire profondément affecté ne résoudra pas les problèmes. Une politique d’accueil ouverte s’impose non seulement dans le contexte de la politique d’asile, mais également dans le cadre de la lutte contre la pénurie de main-d’œuvre qualifiée en Europe. A cet égard, je me réjouis notamment du fait que la Présidence luxembourgeoise compte procéder à la révision du code des visas [4] et anticiper les discussions sur l’introduction d’un visa d’itinérance [5]. Attirer les talents de pays tiers est devenu une condition indispensable au développement de l’économie européenne, qui repose largement sur les activités des PME.
Promouvoir une démarche de développement durable
Egalement au centre du plan d’actions de la Présidence luxembourgeoise : le développement durable. Perçue longtemps comme une ambition contradictoire, la réconciliation des politiques environnementales et des intérêts économiques est devenue une priorité internationale. La Conférence des Nations unies sur les changements climatiques, qui se tiendra à Paris, de même que le Sommet spécial pour le développement durable à New York, offriront à l’Union européenne l’occasion unique de fixer des règles du jeu à la fois ambitieuses, d’application internationales et transparentes. Le cavalier seul de l’Europe en la matière doit céder sa place à un effort véritablement international.
[1] Source: Commission européenne « Annual Report on European SMEs 2014 », http://ec.europa.eu/enterprise/policies/sme/facts-figures-analysis/performance-review/files/supporting-documents/2014/annual-report-smes-2014_en.pdf.
[2] Source: Eurostat, « Investment by institutional sectors », http://ec.europa.eu/eurostat/tgm/table.do?tab=table&init=1&language=en&pcode=tsdec210&plugin=1.
[3] Sont considérées comme entreprises à moyenne capitalisation toutes entreprises employant entre 250 et 3000 salariés.
[4] Le code des visas est un règlement qui définit les conditions et les procédures de délivrance des visas de court séjour pour les transits ou les séjours sur le territoire des pays de l’UE. Par ailleurs, il dresse la liste des pays hors UE dont les ressortissants qui doivent disposer d’un visa de transit aéroportuaire pour passer par la zone internationale de transit des aéroports de l’UE.
[5] La création d’un visa d’itinérance est prévue pour un séjour dans plusieurs États membres, pendant plus de 90 jours mais limité à un an (avec une possibilité de le prolongation de 2 ans maximum), à condition que le demandeur ne prévoie pas de rester plus de 90 jours sur toute période de 180 jours dans le même État membre.