L’année 2015 aura été une année marquée par des hauts et des bas, d’un point de vue économique. Après quelques hauts essentiellement en début d’année, les premières révisions à la baisse des perspectives économiques mondiales ne se sont pas fait attendre, suite au ralentissement marqué de l’activité en Chine qui, en 2015, a affiché sa plus faible hausse depuis 25 ans. Bon nombre d’indicateurs sont désormais dans le rouge : l’indice IFO déterminant le climat de l’économie mondiale se replie et le Bloomberg Commodity Index, mesurant le prix d’une vingtaine de matières premières, atteint son niveau le plus bas depuis 16 ans, reflétant ainsi la faiblesse de la demande. Les indicateurs avancés ne laissent pas entrevoir de revirement de tendance dans le sens d’une accélération franche de l’économie mondiale à moyen terme. Croissance et productivité anémiques – le « new normal », serait-il arrivé pour rester?
La bonne nouvelle pour 2016 est que la croissance mondiale devrait néanmoins s’accélérer quelque peu, pour atteindre, espérons-le, 3,5% en 2016 (contre 3% en 2015). Or, avant la crise, la croissance mondiale annuelle dépassait encore les 5%.
La reprise se poursuivrait, sans trop de couleurs, également en Europe (2% en 2016, contre 1,9% en 2015), mais risque d’être chahutée par des vents contraires. Tirée par des facteurs exogènes, elle est grandement soumise à la contingence. Si la situation des finances publiques s’améliore, les divergences augmentent entre les Etats et les inégalités se creusent. Les investissements demeurent trop faibles et l’inflation reste apathique. Les risques se multiplient aux frontières extérieures et au sein même de l’Europe. Si je laisse aux politologues le soin de les analyser, je ne peux, en qualité d’économiste et en tant qu’europhile, que m’inquiéter du climat de défiance et de méfiance qui règne au sein de l’Union européenne. Grexit évité de justesse, Brexit envisagé, Schengen questionné, 2015 a été l’année de la désintégration. Sans jouer les Cassandre, l’incertitude ambiante est une menace sérieuse pour une Europe encore convalescente sur le plan économique.
Au Luxembourg, les voyants sont plutôt au vert avec une croissance de 3,2% en 2015 et de 3,4% en 2016, et un marché du travail qui conserve son dynamisme. Or gardons-nous de plastronner: un coup de froid économique en Chine pourrait nous « coûter » jusqu’à 2/3 d’un point de croissance en 2016 et 2017, selon la dernière note du STATEC.
En revanche, je me réjouis des résultats de la dernière enquête Eurochambres, étude qualitative menée au Luxembourg par la Chambre de Commerce auprès des entrepreneurs, qui fait état de l’optimisme des chefs d’entreprises. Si le climat des affaires, notamment dans les services, pourrait s’améliorer en 2016, la situation demeure plus contrastée pour l’emploi et les investissements. Trois grands défis sont avancés par les entrepreneurs : le manque de main-d’œuvre qualifiée, le coût du travail et la demande intérieure. Des défis auxquels il est urgent pour notre pays de s’atteler pour assurer la croissance de demain.
Dans cette optique, la Chambre de Commerce a défini cinq grands chantiers auxquels des actions concrètes doivent été apportées en 2016. Tout d’abord, il faudra continuer à mener des réformes structurelles pour flexibiliser le marché du travail et valoriser le capital humain. Dans cette dynamique, la Chambre de Commerce a contribué à la mise en place de la House of Training, initiative ambitieuse au service de la formation professionnelle continue. L’Institut Supérieur de l’Economie, en cours de construction, devrait en outre fournir aux salariés les clés de leur succès en proposant dans une approche de « life-long learning » des offres de formation diplômantes de niveau supérieur.
Rendre la fiscalité plus attrayante, plus efficace et plus équitable en engageant une réforme de la fiscalité des entreprises permettant de rétablir notre attractivité à cet égard, me semble également indispensable.
Réussir la Troisième Révolution Industrielle, pour arriver à une économie interconnectée et soutenable, constitue un autre enjeu pour 2016. Il me tient particulièrement à cœur que nos entreprises aient la possibilité de faire valoir leurs idées dans le cadre de la stratégie ambitieuse menée en partenariat avec le ministère de l’Economie, la Chambre de Commerce et l’IMS.
Ensuite, il faudra continuer à penser aux PME, l’épine dorsale de notre économie : de la simplification administrative, au grand guichet unique en cours d’implémentation, en passant par la House of Fintech, la Chambre de Commerce s’engage pour le maintien d’un environnement attrayant pour nos entreprises, et ce dans la structure fédératrice de la « House of Entrepreneurship » destinée à rassembler tous les services dans la chaîne de valeur de la promotion de l’esprit d’entreprise.
Aussi faudra-t-il mieux tirer partie du libre-échange. Il fait partie intégrante de notre ADN. Le TTIP, par exemple, nous permettrait de contribuer à fixer les règles du jeu du commerce mondial, renforçant ainsi notre compétitivité pour faire du Luxembourg la porte d’entrée naturelle pour le grand marché intérieur européen.
Enfin, il faut poursuivre les efforts en matière de Nation Branding, axés autour des valeurs qui font notre force : fiabilité, ouverture et dynamisme. Une bonne réputation n’est jamais définitivement acquise…
Les cinq grand chantiers étant brièvement esquissés ci-avant (1), il faudra bien évidemment les mettre en musique, ou plutôt « en construction ». La Chambre de Commerce a son rôle à jouer à cet égard et contribuera de près à leur mise en œuvre. A travers ce blog, et dès le début d’année 2016, je propose de revenir plus en détail sur ces cinq priorités, en les assortissant de pistes d’actions concrètes à prendre.
Dans le « hitparade » des prévisions de croissance à moyen terme, et avec un taux moyen annuel de 3,1% d’après la Commission sur la période 2015-2017, le Luxembourg se trouve à la 4e position, au pied du podium donc, de la zone euro qui compte 19 membres. Or, en considérant l’évolution du PIB per capita, nous rétrogradons à une piètre 14e place. Et le Grand-Duché ne se positionnait qu’en 16e rang si, au lieu de considérer le PIB par tête, était considéré l’évolution du revenu national par résident (2). Une croissance dont le caractère « spectaculaire » se doit donc, au moins, d’être relativisé. Pour donner un coup de fouet à la croissance, la mise en chantier ambitieuse (et dans le respect des enveloppes budgétaires…) des cinq priorités s’avère plus pertinente que jamais. L’avenir de notre modèle social enviable en dépend.
En ce sens, je souhaite aux fidèles lecteurs de ce blog, des fêtes de fin d’année reposantes et tout le courage nécessaire pour aborder sereinement l’année 2016 et son lot de défis.