L’année 2016 est sur le point de s’éclipser et ce fut une année intéressante à bien des égards. Je souhaite dans ces lignes tenter de capter un « sentiment » général, voire un malaise profond qui s’est sans doute renforcé en 2016 et qui va encore nous accompagner en 2017 et au-delà. Et du fait de l’ouverture du Luxembourg, tout bouleversement international se répercute, tôt ou tard, dans la « socio-économie » grand-ducale.
Tout d’abord, une certaine tendance de déglobalisation semble émerger. Entre un vote pro-Brexit, la multiplication des discours politiques promettant la relocalisation des activités et des emplois industriels perdus, la grande difficulté des Européens à conclure un accord commercial avec son ami canadien et la remise en question par certains des quatre libertés fondamentales de l’UE, une volonté semble se cristalliser vers une forme de « micro-protectionnisme ». Cette remise en question des échanges arrive pourtant à un très mauvais moment (sachant qu’il n’y a jamais de bon moment pour s’isoler), car l’économie mondiale manque de souffle et par conséquent, elle ne peut se priver du moteur qu’est le commerce entre nations. Alors que l’évolution du commerce ralentit, la solution n’est donc pas le repli mais se trouve dans l’innovation, la coopération, l’émergence de nouveaux modèles économiques et des accords de libre-échange équitables de manière à ce que les avantages de la mondialisation se matérialisent en bénéfices distribués de manière équitable.
Le deuxième concept qui mérite une attention particulière est celui de l’endettement, car le monde souffre, de toute évidence, de maux de dettes ; la « douloureuse » mondiale atteignant un niveau record de 225% du PIB correspondant à 150.000 milliards de dollars. Cela s’avère à la fois surprenant et dangereux. Surprenant, car la crise financière a été avant tout une crise de surendettement et le « deleveraging » semblait être une évolution naturelle. Mais ces chiffres montrent qu’il n’en a rien été. Dangereux, car les crises sont plus sévères en situation de dette excessive. Par conséquent, alors que de plus en plus de voix (FMI, OCDE, Commission européenne) laissent entendre que des pays pourraient mettre en œuvre des plans de relance et que le crédit est globalement bon marché, n’y a-t-il pas un risque de bulle de crédit dans de nombreux pays? En outre, après le « no » au vote constitutionnel en Italie, la question de la stabilité du système bancaire italien se pose plus que jamais, eu égard au stock important de créances douteuses dans les bilans des banques italiennes.
Quant au concept de productivité, à savoir le « travailler mieux » et non pas « le travailler plus », les gains de productivité ralentissent presque partout dans l’OCDE. Il convient de contrecarrer ce phénomène, car la productivité est une précieuse boussole de la santé des économies, du niveau de vie à long terme et des possibilités d’évolution salariale. C’est aussi le seul vecteur permettant de consacrer la croissance dite « qualitative ». Dans l’incertitude, des mesures comme l’amélioration du système éducatif et de la formation, l’investissement dans la R&D et les infrastructures, un environnement fiscal incitatif, l’amélioration de l’environnement des affaires, le soutien aux entreprises innovantes, la gestion intelligente du virage numérique des économies, etc. sont les bienvenues.
Le concept de « concurrence » semble également remis en question. A l’heure où l’on parle de plus en plus d’économie collaborative, on peut d’ores et déjà observer dans l’économie numérique une concentration croissante des activités, de même qu’un bouillonnement entrepreneurial. Il est également de plus en plus évident que la flexibilité et la taille comptent, « small is toujours beautiful, mais big enough seems even nicer ». Et la viabilisation du tissu économique, à travers la création d’entreprises et l’adaptation des entreprises traditionnelles à la nouvelle donne numérique sont des opportunités à ne pas rater. Pour le Luxembourg, économie ouverte par excellence, ne pas rater ce virage digital est fondamental.
Enfin qu’en est-il de la politique monétaire dite « traditionnelle » ? Il semble, en effet, que la politique monétaire non conventionnelle soit devenue la nouvelle norme, et que la sortie de cette politique soit particulièrement compliquée dans un horizon proche. Dès lors, avec des taux d’intérêt déjà au plus bas, des achats de titres (privés, publics et assimilés) assez conséquents, il y a lieu de s’interroger sur les « munitions » à disposition de la BCE en cas de nouveau choc récessif, car si la boîte à outils n’est sans doute pas vide, la question de l’effectivité des outils restants peut être posée.
Dans un tel contexte international, il faut tourner le dos aux discours isolationnistes et plaider pour une politique d’ensemble cohérente.