La semaine en cours peut être qualifiée de profondément européenne! Grand soulagement pour les cœurs europhiles du Vieux continent : le nouveau Président de la République française n’a pas l’intention de tourner le dos au projet européen, il prône l’ouverture, le libre-échange et la cohésion de la société européenne. Ce n’est pas la Marseillaise qui retentit à son arrivée à l’esplanade de la fameuse pyramide, ce sont les notes de Beethoven – Emmanuel Macron a choisi de jouer l’hymne officiel de l’Union européenne et il a fait passer le message.
En ces moments, nous fêtons le 150e anniversaire du traité de Londres. Comme l’avait exprimé le Premier Ministre lors de son discours sur l’Etat de la nation, ce traité a marqué un tournant décisif pour notre pays parce qu’il a posé les fondements du Luxembourg tel que nous le connaissons aujourd’hui : la capitale et le pays se sont ouverts au commerce et le Grand-Duché a su développer son économie en tant que pays entièrement indépendant.
Depuis, le Luxembourg a fait du libre-échange sa signature, que ce soit au niveau de la Grande-Région, de l’Europe ou à l’échelle internationale et multilatérale. Le libre-échange constitue, en effet, la fondation de la croissance économique luxembourgeoise et la force motrice des entreprises implantées sur le sol luxembourgeois. Les citoyens luxembourgeois n’ont pas oublié que les échanges commerciaux, au début notamment avec nos pays voisins, ont permis de construire l’Etat-providence dont ils jouissent aujourd’hui.
Cette amitié entre le Grand-Duché et le principe de l’ouverture explique aussi largement la déception luxembourgeoise devant le départ du Royaume-Uni du « club » des 28. Tous les décideurs politiques, acteurs de la Place financière et autres représentants de la vie économique ont reconnu et accepté le choix britannique, bien sûr. Or, le sentiment du « trou noir » n’a cependant pas tardé à s’installer. Certes, tout adieu est aussi l’occasion d’un nouveau départ, mais au vu du poids du Royaume-Uni dans l’économie européenne et de son importance en tant qu’ambassadeur de la facilitation des échanges un éventuel retour à la case départ, qui n’est pas exclu en matière d’échanges entre le Royaume-Uni et les 27 Etats membres de l’Union qui opèrent au sein du marché unique, ne constituerait guère une nouvelle positive pour le Luxembourg.
Notre économie a besoin du libre-échange des biens, des services, des personnes et de capitaux, au sein de l’Europe et au-delà. Afin de souligner son importance, la Chambre de Commerce a consacré l’édition n°19 de son bulletin économique « Actualité & tendances » au libre-échange. Le message principal que nous souhaitons adresser à nos lecteurs se trouve dans le titre : « Quo vadis, libre-échange ? Garder le cap face au risque de repli ».
Or, défendre le libre-échange sans tenir compte de ses défis potentiels et sans réfléchir au besoin de mesurer pour mitiger ces derniers pour le rendre économiquement viable et socialement inclusif n’est cependant pas crédible. D’où l’approche de cette publication, qui rappelle les principaux bénéfices de l’ouverture commerciale et de la libéralisation des échanges tout en effectuant un état des lieux du libre-échange au sein de l’Union européenne et en identifiant en même temps les défis et problèmes qui peuvent survenir dans le cadre de la libéralisation des échanges.
Force est de constater que le marché unique, l’un des plus grands succès du projet européen demeure inachevé, de nombreuses barrières au libre-échange persistant par exemple dans les domaines du commerce des services et du commerce électronique, au niveau du principe de la reconnaissance mutuelle, des marchés publics ou encore de la mobilité des travailleurs. Le bon fonctionnement du marché unique ne relève cependant pas de la seule responsabilité de la Commission européenne ou de l’Union au sens global – chaque Etat membre doit assumer sa responsabilité nationale et œuvrer en faveur de son fonctionnement. Comme disait le Premier Ministre récemment sur un plateau de télévision allemand : ce serait trop facile de faire de Bruxelles le bouc émissaire pour tout ce qui piétine en Europe.
Force de proposition, la Chambre de Commerce énonce, en fin de publication, 10 pistes qui permettraient à ses yeux d’optimiser les gains du libre-échange pour l’Union européenne et le Luxembourg en particulier. Ces conditions-cadres s’inscrivent dans quatre domaines d’importance capitale pour le Grand-Duché : la politique commerciale, la promotion de l’internationalisation des PME, la diversification géographique et industrielle et le marché unique européen.
LES 10 INDISPENSABLES D’UN ÉCHANGE INTERNATIONAL REVIGORÉ
Assurer la viabilité de la politique commerciale européenne
N°1 Revoir la gouvernance de la politique commerciale européenne pour éviter une reproduction du scénario wallon dans le cadre du CETA, c’est-à-dire un blocage de la signature d’un accord de libre-échange entre l’Union européenne et un pays tiers, car une telle situation ne retarde non seulement la survenance des retombées positives des accords commerciaux, mais risque également de décrédibiliser l’Union par rapport à d’autres partenaires commerciaux potentiels.
N°2 Œuvrer en faveur d’un libre-échange plus inclusif en identifiant l’origine des « douleurs » et en soutenant les perdants du libre-échange moyennant une véritable politique de redistribution qui, au lieu de créer des pièges à l’emploi, propose des mesures qui renforcent leur employabilité et la cohésion sociale.
N°3 Définir une réelle stratégie pour assurer un « level playing field » et la réciprocité des engagements notamment en matière de marchés publics, tout en maintenant une position ferme vis-à-vis des pratiques commerciales discriminatoires pernicieuses.
N° 4 Piloter le libre-échange, c’est maîtriser la globalisation ! A cet égard, le Luxembourg doit jouer son rôle naturel de fervent défenseur de l’intégration européenne et d’un pays qui aide à façonner le développement de l’Union. Le Grand-Duché peut donc faire des contributions très importantes, disproportionnées à sa petite taille, pour influencer les règles de la politique commerciale européenne ainsi que la fixation de standards élevés tout en assurant le respect du level playing field. Par ailleurs, il importe en ce moment de soutenir l’Union européenne, sachant que son poids dans le commerce mondial est amené à diminuer à l’avenir en faveur notamment des pays émergents.
Promouvoir l’internationalisation des entreprises luxembourgeoises
N°5 S’assurer que la récente réforme de la promotion économique puisse clarifier le rôle de chaque partenaire engagé, de sorte que les entreprises luxembourgeoises pourront clairement identifier les acteurs en charge de l’organisation des initiatives de promotion du commerce extérieur et d’assistance en la matière. Tout doublon et manque de coordination sont à éviter dans ce contexte. La Chambre de Commerce continue à s’engager pour la réussite de cette réforme et à jouer son rôle historique de cheville ouvrière et de partenaire privilégié des entreprises dans la promotion du commerce extérieur et de l’internationalisation des PME de tous les secteurs d’activité dont elle est la représentante.
N°6 Explorer l’introduction d’un crédit d’impôt à l’exportation pour les PME afin de les aider à développer leur activité internationale, à l’instar des instruments disponibles aux États-Unis et en France.
N°7 Promouvoir la sous-traitance et la formation d’experts en exportation parce que le transfert de la gestion des questions fiscales et juridiques , entre autres, à un expert permettrait aux petites structures de se concentrer sur leurs activités de base, stimulerait leur intérêt à s’engager dans une stratégie d’internationalisation. La formation d’experts en exportation pourrait s’inscrire dans un programme de formation tertiaire professionnalisante.
Favoriser davantage la diversification géographique et industrielle
N°8 Diversifier le carnet d’adresses à l’exportation et à l’importation afin de mieux répartir le risque lié à une concentration trop importante sur quelques pays partenaires.
N°9 Diversifier davantage la base industrielle luxembourgeoise pour participer aux chaînes de valeur internationales en augmentant le nombre de diplômes STEM (Science, technology, engineering, mathematics), en adaptant l’offre de formation pour les travailleurs faiblement qualifiés, et en se dotant des infrastructures nécessaires au développement de nouvelles niches industrielles à haute valeur ajoutée, sous forme de plateformes communes permettant de réduire les coûts de recherche et de développement par le partage des ressources humaines et infrastructurelles et de bâtir des ponts entre la recherche fondamentale et appliquée.
De l’importance des « devoirs à domicile »
N°10 Assurer la viabilité de la politique européenne. C’est seulement par la prise de responsabilité de tous les Etats membres de l’Union qu’une amélioration d’envergure de la coopération européenne pourra être atteinte. Afin de rendre plus performant le marché unique européen, le Luxembourg devrait, pour sa part, entretenir des contacts réguliers avec les administrations compétentes en matière de reconnaissance mutuelle, organiser des séances d’informations pour tenir les entreprises au courant des dernières évolutions des exigences en matière de commerce électronique, encourager les entreprises luxembourgeoises de manière proactive à participer aux appels d’offres publics européens et s’atteler aux dysfonctionnements en termes de mobilité et de logement pour inciter la mobilité du travail et continuer à attirer des travailleurs hautement qualifiés.
La mise en œuvre de cette série de conditions-cadres peut donner un réel coup de pouce au commerce extérieur du Luxembourg. Parallèlement, nous ne devons pas perdre de vue l’importance d’entretenir de bonnes relations diplomatiques avec les partenaires commerciaux qui nous sont chers. La Chambre de Commerce, qui est en contact régulier et étroit avec les décideurs politiques et économiques ainsi qu’avec les chefs diplomatiques des pays avec lesquels les entreprises luxembourgeoises souhaitent entrer en contact ou développer leurs relations commerciales, dispose d’une longue expérience dans ce domaine de compétences.
Ce lundi, nous avons eu le grand privilège de pouvoir accueillir dans nos enceintes les 10 ambassadeurs de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ASEAN) – un événement riche en discussions inspiratrices et amicales qui a permis d’approfondir nos relations et de nous féliciter de notre excellente coopération économique. Je reviendrai sur cette rencontre dans mon prochain blog, notamment vous parler davantage des débuts de cette relation fructueuse et de nos liens économiques actuels avec cette région très dynamique et hautement intéressante d’un point de vue économique.