La publication du rapport annuel « The Global Competitiveness report 2017-2018 » (GCR) du World Economic Forum (WEF) est un rendez-vous incontournable dans le calendrier économique national. Cette année, la compétitivité du Luxembourg s’améliore légèrement et le Luxembourg se positionne désormais à la 19e place (contre une 20e place l’année précédente). Compte tenu de cette évolution qui n’en est pas une, la Chambre de Commerce s’interroge sur le modèle de croissance qui permettrait à notre pays de faire plus que des « petits pas » et de gagner résolument en compétitivité, qui reste le carburant essentiel du développement socio-économique du Luxembourg et du bien-être durable de la population.
Malgré les efforts importants réalisés, le Grand-Duché a encore du pain sur la planche en ce qui concerne l’adaptation permanente des infrastructures aux besoins démographiques et socio-économiques du pays – et encore plus au niveau de l’anticipation des besoins futurs en la matière. Par ailleurs, avec un positionnement assez peu reluisant (même si des progrès sont à signaler là aussi) au niveau des procédures et du temps requis pour la création d’entreprises, le WEF fait écho à la récente recommandation de l’UE adressée à notre pays et lui appelant notamment à réduire les restrictions réglementaires dans les services et les obstacles à la diversification économique et à l’investissement. La refonte envisagée du droit d’établissement au Luxembourg sera une occasion à ne pas manquer pour poursuivre les efforts de simplification et d’élimination de barrières à l’entrée, tout en prenant soin du respect d’un level playing field et des règles en matière de concurrence.
A côté de ces « bémols microéconomiques », on observe en parallèle, au niveau macroéconomique, une croissance économique de quelque 4% en 2016, chiffre qui devrait se maintenir pour l’année 2017, le fruit des efforts entrepreneuriaux passé et des jalons posés par la politique. Or, d’une part, les performances passées ne préjugent pas des résultats futurs. Et, d’autre part, le modèle de croissance actuel est basé sur une croissance extensive qui découle de l’augmentation de la population et des facteurs de production au sein de l’économie (plus d’emplois, plus de ressources), trainant dans son sillage des défis non négligeables pour l’infrastructure, le logement, la mobilité, la cohésion sociale. La productivité a certes repris des couleurs au cours des quelques dernières années, or la tendance demeure très défavorable : par heure travaillée, le niveau réel de production demeure, en 2016, 2% en en-deçà du niveau pré-crise. Notre croissance cumulée depuis la crise est donc l’unique résultat des quelques 85.000 emplois créés. Le « plus » l’emporte face au « mieux ».
Il n’y a plus aucun doute : il faut passer d’une croissance extensive à une croissance dite intensive et qualitative, à travers d’importants gains de productivité et engageant à la fois les entreprises déjà implantées dans le pays et les nouveaux investisseurs. Ce modèle permettrait aussi d’alléger les problématiques de l’accès au logement et de la mobilité. L’accent pour le futur doit ainsi être mis sur la croissance qualitative : savoir utiliser, attirer et affecter les ressources de manière intelligente. Dans le but de créer un terreau fertile pour cette croissance qualitative, il faut travailler sur plusieurs leviers en même temps comme la formation, l’innovation, la recherche, la simplification administrative, etc. L’étude Rifkin peut être un outil et un guide pour faciliter la croissance qualitative et la volonté de donner lieu à de nouvelles perspectives de développement socio-économique en croisant les enjeux et les opportunités liés à la numérisation, à la transition énergétique et aux mobilités alternatives.
Le Luxembourg est donc engagé dans une transition vers un nouveau modèle économique et industriel, qui pourrait aller de pair avec un meilleur classement dans le tableau de la compétitivité du WEF dans les années à venir. Un facteur important dans ce contexte concerne les finances publiques qui devraient, à mes yeux, encore mieux se porter à court terme, eu égard à la conjoncture faste et donner lieu à une accumulation de réserves pour les rainy days.
Le budget et la programmation financière pluriannuelle présentés la semaine prochaine au Parlement devraient être une opportunité pour tracer un cap ambitieux en matière de gestion budgétaire. Car un emploi intelligent et efficient des ressources doit aussi valoir pour les moyens budgétaires qui doivent clairement s’inscrire dans nos ambitions de développement socio-économique à court et moyen termes sans toutefois mettre davantage en péril l’équité intergénérationnelle à long terme.
(Cet article a été publié dans la rubrique carte blanche de la newsletter paperJam du 5 octobre 2017)