Le Luxembourg ne verra donc pas l’investissement de l’entreprise Knauf sur son sol. A priori, on pourrait se dire que, dans une optique transfrontalière et régionale, une implantation d’une nouvelle entreprise industrielle chez notre voisin français est une bonne chose, pour équilibrer quelque peu le développement économique sur le territoire de la Grande Région, dont peut bénéficier indirectement le Grand-Duché. Les réflexions autour de la croissance qualitative doivent englober aussi des considérations en matière d’aménagement du territoire et d’organisation de l’espace dépassant les frontières luxembourgeoises.
En l’occurrence, le dossier Knauf ne me permet pas de relativiser les choses en cette direction.
En effet, malgré les nombreux efforts déployés par ce groupe industriel et par de nombreux interlocuteurs politiques et économiques qui se sont très fortement investis personnellement dans ce dossier, les décideurs de l’entreprise ont dû faire le choix de ne pas s’implanter au sud du Grand-Duché. Le pays des chemins courts a donné l’impression d’être plutôt un pays des impasses. Des intérêts particuliers l’ont emporté sur l’intérêt général, symbiose des trois dimensions du développement durable qui doivent se trouver sur un pied d’égalité et ne pas être déjoués l’une contre l’autre : l’économie, le social et l’environnement.
L’économie dans ce cas, c’est un investissement industriel, une contribution à la pérennisation et au développement du site productif luxembourgeois, une force de frappe industrielle, une image positive parmi ceux qui critiquent à tort le « peu de substance physique » de notre appareil de production, des emplois, des impôts. Et en l’occurrence, il ne s’agit pas d’un investissement industriel classique, mais d’un projet innovant de type « Industrie 4.0 », conforme à la stratégie de la Troisième Révolution Industrielle (TIR ou Rifkin), avec un apport technologique des plus modernes.
Le social, cela aurait été une chance de donner des perspectives à des chômeurs résidents. Avons-nous oublié que le chômage persiste, malgré l’environnement économique porteur actuel ? Pourvu que ça dure, mais le taux de chômage frictionnel reste toujours élevé.
L’écologie, c’est l’engagement du porteur de projet, de non seulement respecter toutes les normes (réputées sévères) environnementales luxembourgeoises, mais c’est aussi la production sur le sol luxembourgeois d’un produit industriel dont l’utilisation est subventionnée par ailleurs. En effet, le produit de cette entreprise est destiné à la construction durable, à l’isolation des bâtiments et donc à l’augmentation de la performance énergétique. A nouveau, le Luxembourg aurait été en cohérence avec la stratégie TIR. Le critère de la « meilleure technique disponible » n’a-t-il pas été respecté ?
Une certaine étroitesse d’esprit semble avoir été de mise. On ne peut pas réguler la croissance comme on règle une machine. On ne peut pas faire du « cherry picking », projet par projet, en considérant que les projets individuels évoluent dans des vases clos. Il y a bien des interactions entre entreprises et secteurs, des échanges, des évolutions croisées : c’est cela, l’économie de marché. Chaque projet industriel a des effets multiplicateurs sur le tissu économique régional, national, voire international. Malheureusement, dans le présent cas, seules les « externalités négatives », c’est-à-dire les émissions, ont été thématisées par les opposants. Une telle approche est intellectuellement peu honnête.
L’économie de marché n’est pas compatible avec une approche – qu’elle soit intentionnée ou perçue (car l’effet perception risque même de l’emporter dans le présent cas) : l’économie de marché n’est pas la soumission d’une liste de projets à une « haute autorité » qui trancherait au cas par cas. Une telle économie planifiée a été tentée, jadis, avec le succès quon lui connaît.
D’aucuns invoquent que le projet en question est incompatible avec la stratégie TIR (ou Rifkin) qui est une feuille de route, une stratégie d’ensemble, une transition progressive vers une économie connectée et soutenable. Cette stratégie ne pourra pas être déployée du jour au lendemain. Au contraire, l’idée de la transition requiert que des projets ayant des caractéristiques favorables (ce que la laine de roche doit avoir, sinon elle ne serait sans doute pas subventionnée…) puissent aussi être manufacturés localement, aux normes les plus rigoureuses.
Nos concurrents se frottent les mains. Les dommages et ramifications à long terme en termes d’image et d’attractivité pour notre site manufacturier ne peuvent aujourd’hui être évalués. Mais ce qui est sûr est que ce dossier constitue l’archétype du syndrome NIMBY à la luxembourgeoise et constitue un pas en arrière pour l’approche de développement durable qui, elle, est au cœur de la démarche « Rifkin à la luxembourgeoise ». Cet épisode luxembourgeois soulève aussi la question de l’efficacité et de la cohérence de la politique industrielle européenne – à creuser.
Je souligne que je ne souhaite pas pointer du doigt tel ministère, telle administration ou telle autorité communale, c’est un ensemble d’interactions dont l’incohérence et l’inadaptation ont joué un tour à la politique industrielle du Luxembourg et aux efforts de promotion de notre pays réalisés avec beaucoup de moyens et d’énergie par de nombreux acteurs publics et privés au niveau international.
Le « let’s make it happen » en a pris un coup. Essayons d’améliorer les choses pour éviter un tel accident de parcours à l’avenir !
Bonjour Carlo,
je me permets d’exprimer ma déception. J’ai entendu un discours lors d’une session rotarienne qui m’autorisait à avoir de l’espoir, voilà un membre éminent de l’activité commerciale à Luxembourg qui avec le sourire au lèvres et l’espoir au cœur nous invitait à entrevoir l’avenir autrement puisqu’il parlait d’économie solidaire et durable. Voilà que l’utilisation cherry picking doit être dénoncée comme un effet de manche destinée à dénigrer la position d’une population locale qui a fait son choix. Et si l’éminent représentant de la Chambre voulait bien découvrir que la volonté de choisir des activités industrielles aux procédures et systèmes de production durables dans le respect de l’utilisation des énergies et ressources fait justement partie de la trame centrale d’un ‘let’s make it happen’, là enfin le bien-être du pays et de la région aurait une chance de prendre racine. Développer la région et non plus uniquement un état national voilà un autre enjeu vers le but de ne pas étouffer ce petit point sur la carte mondiale, avec le soin ainsi de ne pas remplir les rangs de mécontents, votants aux extrêmes.
Quelle prise de position bien manichéenne que de comparer la situation à l’économie planifiée. Certes, une démarche subtile puisqu’il s’agit de laisser infuser le souvenir de la faillite du bloc soviétique… La nature fonctionne autrement, les énergies se développent en synergie sans détruire: pourquoi ne pas mettre d’autres moyens et méthodes de production en concurrence ? pourquoi donc dénigrer un but bien plus grand que la seule volonté d’encaisser de la TVA (payée par qui?) de créer des emplois (lesquels pour quels chômeurs vivant et consommant où et formés par qui?)…
Pas de cherry picking donc, mais un combat énergique et concerné un engagement de tous les instants, voilà l’enjeu, dommage que les pistes continuent à être brouillées par ceux qui devraient éclairer le chemin.
Caprice des Dieux et Saint-Glinglin
Adieu Knauf Insulation, en moins de deux ans nos voisins belges et français ont raflé plus de 100 millions d’euros d’investissements et quelques 170 emplois alors même que les projets semblaient à notre portée ; « les projets » car il y en avait bien au moins 2 : le nouveau headquarter européen et ses 50 emplois directs (attribué début 2017 au site belge de Visé) et un nouveau site de production attribué à la commune française d’Ellange. Entre l’espoir qui relève de l’ambition et l’espoir qui se réclame du miracle, le second peut toujours attendre…
Relativement à la perte du projet « headquarter » le Luxembourg disposait pourtant de nombreux atouts à faire valoir, plus particulièrement en raison de la structure capitalistique (familiale) du groupe Knauf : sans information complémentaire nous nous autoriserons seulement de penser que la législation belge relative aux intérêts notionnels avantageait également ledit groupe reconnu comme étant « cash-rich ».
Mais au sujet du projet industriel 4.0… là on entre dans une nouvelle dimension : l’association redoutable de préjugés, attentisme (administratif) et caprices capable de faire échouer à elle seule un projet économique aussi prometteur que rare. Ainsi, à la lecture des communiqués de presse diffusés quelques semaines avant de nouvelles échéances politiques majeures, tout citoyen lambda ne retiendra qu’un seul fait : à eux seuls durant 22 mois… 2 bourgmestres (tous deux d’étiquette politique présente dans la tripartite en cours !) ont décidé, sans même une consultation citoyenne, de ne pas délivrer le permis de construire. Au surplus, à leur décharge et à l’encontre du programme gouvernemental de 2013, l’autorisation d’établissement n’aurait toujours pas été délivrée. Quid.
Effectivement nos voisins européens peuvent se frotter les mains, il y a de quoi, et nous serions presque tentés d’en faire de même courant octobre 2018 car la raison essentielle de ces caprices est issue de la récente réforme des finances communales et le dossier Knauf n’est ni le premier ni le dernier à se retrouver ainsi sur la sellette, au grand dam des nombreux acteurs en charge de la promotion économique du Luxembourg.
Le motif principal ? étudions Differdange : 3ème ville du grand-duché avec ses 26.193 habitants (31/12/2017), près de 65% de ses recettes ordinaires (budget 2017 rectifié, total 99,2M€, soit 3.787€/habitant) proviennent du Fonds de Dotation Globale, l’impôt communal commercial ICC ne représentant que 2% de ses recettes ordinaires soit 2M€ (en comparaison, par exemple, avec les 49,6M€ de la ville de Luxembourg) ; cerise sur la gâteau… les comptes rectifiés 2017 présentent un boni de 17,05M€ (651€/habitant).
En résumé, et à première vue, la ville de Differdange n’a aucunement besoin de recettes supplémentaires car depuis l’adoption de la réforme des communes la contribution de l’Etat lui « suffit » largement ; pour comparaison, et par habitant, les recettes de Differdange sont environ 3 fois supérieures à celles de la commune française d’Ellange.
Entre climat, écologie, développement économique, attentisme,… à chacun ses ambitions aussi personnelles que collectives. Espérons seulement que la croissance soit de nouveau au rendez-vous dés le 1er trimestre 2018 faute de quoi les 84,2M€ d’emprunts (3.238€/habitant) de la ville de Differdange pourrait faire tâche d’huile, c’est également plus de 3,35 fois la moyenne des communes françaises ! Sans préjuger du résultat des futures élections dans une ville où la volatilité est de mise…
Sources :
https://gouvernement.lu/dam-assets/fr/actualites/articles/2013/11-novembre/29-signature/Programme-gouvernemental.pdf
https://elections.public.lu/fr/elections-legislatives/2013/resultats/commune/differdange.html 8,82% Dei Gréng
https://elections.public.lu/fr/elections-communales/2017/resultats/communes/differdange.html 35,98% Dei Gréng
https://www.knaufinsulation.com/news/economic-minister-to-open-upgraded-production-line-and-new-knauf-insulation-headquarters-vis%C3%A9 Knauf Headquarter
https://www.knaufinsulation.com/news/knauf-insulation-to-boost-investments-production-to-meet-increased-demand-europe-and-north
https://luxtimes.lu/luxembourg/32772-plans-to-build-rockwool-plant-in-luxembourg-stir-controversy
https://gouvernement.lu/dam-assets/documents/actualites/2018/03-mars/effets-reforme-finances-communales.pdf https://gouvernement.lu/dam-assets/documents/actualites/2018/03-mars/30-dossier-de-presse.pdf
http://www.differdange.lu/files/1815/1843/1199/budget-2018.pdf budget rectifié 2017 Differdange
http://www.impotsdirects.public.lu/fr/archive/newsletter/2016/nl_16112016.html
https://www.vdl.lu/sites/default/files/media/document/Rapport%20de%20la%20commission%20des%20finances%202018.pdf
http://www.journaldunet.com/business/budget-ville/thionville/ville-57672/budget moyenne nationale française
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