La prospective n’est pas une science exacte, mais un exercice indispensable en économie. Il est primordial d’anticiper les tendances pour prendre les meilleures décisions, notamment politiques, au bon moment. Ce travail de prospective se nourrit de ce que le passé nous a appris et de ce que le présent nous offre comme défis.
En ce début d’année, l’équipe d’analyse et de recherche du Conseil de l’Union européenne a compilé et synthétisé une vingtaine d’études prospectives pour 2023 réalisées par différents médias, instituts de recherche, think tanks, ou compagnies d’assurance du monde entier [1]. Un travail précieux, parce qu’il offre une vision globale des défis qui nous attendent.
En 2022, la guerre en Ukraine a généré directement et indirectement des bouleversements économiques majeurs. Sans surprise, les prospectivistes du monde entier placent les enjeux géopolitiques au centre de leur attention pour 2023. Ils tablent sur un enlisement du conflit entre la Russie et l’Ukraine. Certains analystes expliquent même que le conflit ne pourra pas trouver d’issue sans changement de régime de part et d’autre. En attendant, la Russie devrait continuer à fermer son économie et limiter encore davantage ses exportations de gaz. Un défi de taille pour les pays européens. Vu d’Asie, cette fragilité a d’ailleurs été parfaitement identifiée. Selon les analystes chinois, les importations de gaz naturel liquéfié ne pourront pas compenser la perte de gaz russe.
Vers une récession globale ?
La tension sur le marché de l’énergie devrait encore être le principal vecteur de l’inflation cette année. Les analystes estiment que cette inflation agira « comme le moteur principal d’une récession globale ». Dans ce contexte, tous les regards se tournent évidemment vers les banques centrales. Mais la dynamique inégale de la récession pourrait conduire les différentes institutions à apporter des réponses dispersées. Les analystes estiment que certaines grandes banques centrales pourraient être contraintes de revoir leurs objectifs de stabilité des prix.
Les bouleversements monétaires amorcés, en particulier le dollar fort, ainsi que les tensions d’approvisionnement en céréales liées à la guerre en Ukraine, pourraient entraîner des conséquences politiques, économiques et sociales majeures dans les pays les plus pauvres.
Toujours selon les analystes, plusieurs pays africains sont de plus en plus exposés au défaut de paiement. Les risques systémiques sont donc réels. L’hypothèse d’une nouvelle crise financière est évidemment soulevée par de nombreux économistes à travers le monde. Ils invitent les régulateurs à se concentrer sur les pays dont les marchés sont susceptibles de déclencher une crise à grande échelle, plutôt que sur les produits financiers spécifiques.
De nouvelles priorités
L’installation durable de la guerre aux portes de l’Europe a déjà incité les nations à revoir leurs stratégies en matière de défense. Cette tendance va encore s’accentuer en 2023. On parle ici d’une augmentation significative des budgets militaires (y compris pour lutter contre les cyberattaques et les opérations de sabotages), d’une révision des sources d’approvisionnement et d’une évolution des alliances.
Si l’inquiétude grandit, c’est parce que d’autres régions du globe menacent de s’embraser : la situation en Iran est explosive, la tension s’accentue entre la Grèce et la Turquie dans la mer Egée, et tout le monde craint une invasion de Taïwan par la Chine. Sur ce point, les prospectivistes tablent plutôt sur une intensification des manœuvres d’intimidation. Avec une inconnue majeure : quelle sera la réaction des Etats-Unis ?
Cette année, tous les regards seront donc tournés vers la Chine. Pas seulement en raison des risques géopolitiques dans la région, mais aussi parce que le dynamisme de l’économie mondiale sera fortement lié à la vigueur de la reprise post-covid en Chine. Sur ce point, les économistes sont divisés. Certains, inquiets par la nouvelle vague épidémique observée en début d’hiver, prédisent une reprise modérée. D’autres anticipent une croissance à plus de 5%, dopée par la consommation.
Anticiper et se protéger des secousses externes
Dans cette économie mondialisée, l’Union européenne cherche à se protéger des secousses externes. La crise Covid et la guerre en Ukraine ont incité les dirigeants à agir pour renforcer l’autonomie européenne en matière énergétique et industrielle. Selon Bloomberg, « l’accès à tout, de l’énergie à la technologie en passant par l’eau » dominera l’élaboration des politiques économiques des prochaines années. En 2023 puis les années suivantes, on parlera donc beaucoup d’investissements énergétiques, de relocalisations industrielles et de sobriété.
Les politiques doivent également répondre au défi climatique. Il est immense. Les économistes du monde entier craignent que le rythme et l’efficacité de la transition verte pour atténuer le changement climatique soient insuffisants. Sans même évoquer les conséquences à long terme pour l’humanité, la multiplication et l’intensification des catastrophes naturelles directement liées au dérèglement climatique constituent un risque majeur de court terme pour nos économies.
Contribuer au débat public
Les risques économiques, financiers, politiques, géopolitiques, sociétaux et environnementaux auxquels nous sommes exposés sont donc majeurs. Et puisque nous n’avons pas de boule de cristal, nous devons nous mettre en situation d’affronter les risques et de relever les nombreux défis, qui comportent parfois également des opportunités. C’est dans ce contexte, marqué par les méga-tendances et une forte imprévisibilité, que s’ouvre un grand rendez-vous démocratique dans notre pays : les élections législatives d’octobre 2023.
Il s’agit de faire du Luxembourg un modèle de résilience, de cohésion sociale et de croissance durable, attractif et compétitif, bénéficiant aux générations actuelles et futures. Pour limiter notre vulnérabilité, nous devons avoir le courage d’adapter notre cadre légal et réglementaire aux enjeux du moment, tenant compte des besoins des entreprises. Notre économie, ouverte sur un monde en mouvance permanente, doit gagner en agilité, en adaptabilité et en solidité.
Pour assurer la réussite de son modèle économique, le Luxembourg doit tirer les leçons des crises et épreuves successives de ces dernières années. Dans le cadre des élections législatives, la Chambre de Commerce a rassemblé les principales préoccupations des entreprises. Avec 30 propositions concrètes, des livrets thématiques et des tables rondes, la Chambre de Commerce vient nourrir les réflexions pour une économie attractive et compétitive. Les enjeux sont conséquents pour répondre notamment aux besoins de talents sur le marché du travail, réussir la transition environnementale et digitale, ainsi que modérer les coûts pour les entreprises. A travers ces solutions, la Chambre de Chambre donne une boussole stratégique pour mener des actions prioritaires et propices au climat d’affaires. Au cours des prochaines semaines, elle les présentera au grand public et mènera des échanges avec les représentants des partis politiques.
[1] https://www.consilium.europa.eu/media/61584/predictions-2023-external.pdf