Dans mon dernier post, j’avais insisté sur l’urgence de réformes visant à augmenter la productivité des facteurs de production, à améliorer la gouvernance des pouvoirs publics et à garantir l’indépendance financière du Luxembourg. Un mélange intelligent de mesures agissant favorablement sur ces trois domaines devrait impacter favorablement la compétitivité de l’économie luxembourgeoise et donc le bien-être de la population.
Un sujet qui revient régulièrement dans les discussions ayant trait à la compétitivité et à la cohésion sociale concerne la sacro-sainte indexation automatique des salaires. Le Luxembourg et l’index, une histoire d’amour et d’aversion, un débat qui passionne. L’index fait partie du Luxembourg, de son histoire, des ses us et coutumes.
Le Premier Ministre a récemment ranimé la discussion autour de ce sujet en proposant de plafonner l’indexation, du moins pendant la crise. L’idée de l’index plafonné, qui a fait échouer la Tripartite de 2010, n’est ni neuve, ni originale. Mais au moins s’agit-il d’une première réponse à la question : « que se passe-t-il après 2014 ? ». En effet, de par la loi du 31 janvier 2012 adaptant certaines modalités d’application de l’échelle mobile des salaires et traitements, d’ici 2014, il y aura au maximum une tranche indiciaire (non plafonnée) par an. Dès le 1er janvier 2015, et de plein droit, le Luxembourg retournerait à l’ « ancien régime » en matière d’indexation : une indexation non-plafonnée, non-modulée et faisant fi du contexte économique difficile pour de nombreuses entreprises.
Les défenseurs de l’index relèvent son éminent rôle en matière de maintien du pouvoir d’achat et de la justice et paix sociales. Ses détracteurs mettent en garde contre son effet d’auto-allumage de l’inflation, l’éviction du travail moins qualifié, l’immixtion indue de l’Etat dans la politique tarifaire – qui devrait être du seul ressort du dialogue entre les partenaires sociaux – et la dégradation de la compétitivité de l’économie luxembourgeoise fortement ouverte et dont les entreprises sont exposées à des concurrents ne connaissant pas l’indexation intégrale.
Comment résoudre ces problèmes ? Je pense qu’entre abolition du système actuel et « indexation à-gogo », il existe de nombreuses options dans un esprit d’une approche éclairée et clairvoyante en matière d’index.
En premier lieu, je suis d’avis que nous devons absolument parvenir à une réponse définitive. La prévisibilité du cadre légal et réglementaire a toujours été une de nos forces. Au cours des derniers mois, nous avons déjà fortement compromis la prévisibilité en matière fiscale : ne refaisons pas la même erreur pour la prévisibilité en matière d’évolution salariale, alors que cette prévisibilité est importante tant pour le salarié que pour l’employeur ! Une tranche tous les 16 mois pourrait, d’après une étude du STATEC de 2010, freiner quelque peu la dégradation de la compétitivité-coût et -prix de l’économie luxembourgeoise, sans pour autant réduire le pouvoir d’achat des salariés.
Ensuite, faisons de l’index un véritable instrument de « justice sociale ». Prenons l’index non-plafonné. Une personne qui gagne 1,5 fois le salaire social minimum (non qualifié), soit quelque 2.770 EUR, touche une tranche indiciaire de 67,5 EUR. Un salarié gagnant 5 fois le SSM empoche un index de 225 EUR. Est-ce bien juste ? Est-ce bien légitime ? Notre heureux salarié gagnant 5 fois le SSM a-t-il réellement besoin de 225 EUR pour compenser la hausse du prix du lait et du pain, alors que son collègue moins bien loti doit se contenter de 67,5 EUR ?
Pis encore, admettons qu’une tranche indiciaire soit payée, annuellement, sur 10 ans. Au début de l’exercice, notre salarié A (qui gagne 5 fois le SSM) gagne 6.300 EUR de plus que le salarié B (à 1,5 fois le SSM). 10 index plus tard, le salarié A gagne toujours 5 fois plus que le salarié B, mais en termes absolus, la différence s’élève déjà à 8.065 EUR. Or, ne serait-il pas plus « juste » que la différence salariale soit au plus aussi élevée après 10 ans qu’au début ? L’index plafonné à 1,5 fois le SSM éviterait tout au moins que les différences salariales absolues ne s’envolent.
Oui, il faut soutenir le plafonnement de l’index, tout en établissant la valeur du plafond à un niveau tenant compte du fait que de nombreuses PMEs locales du commerce, de la construction et de l’artisanat ne peuvent pas payer leurs salariés à un niveau excédant le SSM.
Par ailleurs, il faudra encore anéantir les effets pervers de l’index. Si l’Etat augmente le prix de l’eau pour en favoriser une consommation plus raisonnable, le mécanisme indiciaire ne devrait pas anéantir l’effet dissuasif de cette hausse (le caractère pertinent ou non du prix de l’eau mériterait, quant à lui, une contribution à part sur ce blog). Si l’Etat augmente le prix des cigarettes, que ce soit pour des raisons de santé publique ou simplement pour remplir les caisses, le mécanisme d’indexation ne doit pas compenser ces hausses. Si les prix du pétrole augmentent à cause de tensions géopolitiques, il n’est pas légitime de demander aux entreprises luxembourgeoises d’en payer la note deux fois : une première fois via l’indexation, une deuxième fois via leur facture énergétique. Ainsi, il faudrait non seulement plafonner l’index, mais également sortir du panier les produits néfastes pour la santé, les prix de matières premières, dont les prix se fixent sur les marchés internationaux et les hausses de prix qui interviennent suite à la mise en œuvre d’une politique de développement durable.
L’Université et le STATEC nous annoncent une nouvelle étude sur l’indexation. Je l’attends avec impatience. Et je m’attends à ce qu’elle se livre aussi à un effort intellectuel du style : « que se passerait-il si nous arrêtions toute indexation ? ». Car il est bien vrai, dans les lignes qui précédent, je me suis prononcé en faveur d’un « index bis », d’une réforme de l’existant. Ce serait un pas dans la bonne direction. Or, une décision encore plus courageuse serait l’arrêt total de l’indexation et une désindexation intégrale de l’économie, puisque celle-ci aurait un effet de freinage important sur l’évolution des prix et de l’inflation au Luxembourg.
Une telle approche n’est possible que si tout le monde joue le jeu : les contrats publics et privés ne pourraient plus être indexés, les loyers et baux ne pourraient plus l’être, tout comme les contrats de prestations de services, et ainsi de suite. A long terme, il doit être possible d’imaginer un tel système. A moyen terme, faisons tout au moins nos devoirs les plus urgents en réformant l’existant, pour en réduire les effets les plus néfastes.
mr draghi a parle du luxembourg implicitement en parlant de chypre. si vous voulez eviter le cas chypriote les pays comparables doivent avoir un deficit public tres faible…au dessus de 40 % attention danger…on ne pourra pas dire qu on savait pas