Le maintien d’une attractivité élevée au Luxembourg est un élément clé pour permettre à notre pays, traditionnellement ouvert et dépendant des exportations de biens et de services et des investissements étrangers, de renouer avec une croissance plus vigoureuse. Cette attractivité suppose de bénéficier d’une image de marque positive auprès de potentiels investisseurs/entrepreneurs internationaux. Hélas, il y a actuellement un puissant Luxembourg bashing qui présente le pays comme faisant partie des Etats et territoires non coopératifs. Ceci nuit gravement à l’image de marque du Grand- Duché. C’est là une tendance qu’il faudra inverser via une stratégie de marque-pays (Nation Branding) coordonnée, intelligente et pertinente.
Mais d’une manière générale et au-delà même du Luxembourg bashing actuel, le positionnement de la marque « Luxembourg » se doit d’être revu, corrigé et amélioré. Certes, le Luxembourg demeure une place financière importante, un territoire privilégié pour des investissements internationaux, une place d’entrée de choix en Europe, un endroit où il fait bon vivre disposant d’infrastructures de qualité etc ; mais cet ensemble de « savoir faire » ne bénéficie pas toujours d’un « faire savoir » promotionnel à la hauteur.
Cela résulte pour partie du fait que jusqu’à la crise, le Luxembourg se considérait comme n’ayant nul besoin de trop se montrer ni de se survendre ; et que depuis la crise, si le pays a multiplié les actions visant à se doter d’une nouvelle image de marque, il peine encore à trouver les messages à délivrer afin de dépasser le cliché de paradis fiscal qu’on lui confère. Il est pourtant primordial de parvenir à dissiper ce cliché, car dans un contexte où la lutte contre l’optimisation fiscale est devenue une cause mondiale, cela est de nature à faire fuir de potentiels investisseurs qui ne voudraient pas qu’on les assimile à des investisseurs s’implantant dans des pays à fiscalité agressive afin de contourner l’impôt dans un contexte de nécessaire efforts budgétaires des Etats. Il faudra par ailleurs que toute nouvelle image de marque du Luxembourg aille au-delà du « Luxembourg – place financière » et s’appuie également sur les autres nombreux atouts du pays.
Comment faire ?
Phénomène récent (environ une dizaine d’année), une stratégie de marque-pays[1] a pour objectif de construire de manière structurée la réputation internationale d’un pays et de la promouvoir. Cette démarche fait partie de la fonction objective de nombreux pays (Suisse, Etats-Unis, France, Chine, Canada, Australie, Suède, etc) qui par une combinaison habile de stratégie de marketing et de communication cherchent à se différencier et se positionner à leur avantage dans la mondialisation.
En considérant les expériences de marque-pays réussies (best practice), il ressort que les éléments majeurs à prendre en compte sont la situation géographique, l’économie, la gouvernance politique, le mode de vie, la culture, l’accueil de salariés expatriés et l’importance d’activités scientifiques dans le pays, afin d’en définir l’image, de s’appuyer sur une action conjointe des gouvernements, du monde des affaires et des institutions. La stratégie en découlant doit être vécue comme celle de l’Etat entier, portée par tous les citoyens au jour le jour et être implémentée par un organe de marketing efficace afin de véhiculer la bonne image du pays.
Le Luxembourg ne manque pas d’atouts pour lui permettre de définir une image attrayante, gouvernement et monde des affaires y cohabitent harmonieusement. Il est à saluer que le Gouvernement vient de décider la création d’une cellule spécialisée affectée au Ministère des Affaires Etrangères, dédiée spécifiquement à l’implémentation d’une politique proactive en matière de Nation Branding.
A côté du développement d’une stratégie de Nation Branding, il est important de renforcer les efforts – mis en œuvre de manière plus professionnelle depuis 2008 – et qui consistent à doter le pays de moyens d’actions plus ciblés en matière de promotion économique à l’international (en vue d’augmenter les exportations de biens et services luxembourgeois) et de rétention et d’attraction des investissements étrangers. A ce moment, le Grand-Duché a vu la création de deux agences de promotion, dans un esprit de public-private partnerships, sous la forme juridique de groupements d’intérêt économique, en l’occurrence Luxembourg for Business et Luxembourg for Finance, au sein desquelles la Chambre de Commerce a été membre fondateur.
Malgré le succès et le professionnalisme des actions réalisées par les deux agences, le monde a profondément changé au cours des 5 dernières années et a gagné en complexité – la crise et la compétition croissante entre pays, régions, secteurs et systèmes ne sont pas innocentes dans cette évolution.
Je suis d’avis que dans un petit pays comme le Luxembourg, au vu de la multiplicité des acteurs y travaillant – avec de la bonne volonté certes – , dans un but de valoriser les atouts du pays, cette fragmentation tend à rendre le message d’ensemble illisible, peu compréhensible et peu percutant et risque par ailleurs de dégager des actions non cohérentes, trop faibles dans la durée et insuffisamment coordonnées entre les différents acteurs. Par ailleurs, les moyens financiers mis à disposition à cette fin sont très limités en comparaison internationale. Ainsi, les actions de promotion de l’internationalisation des entreprises, de développement des exportations et d’attraction des investissements étrangers doivent être davantage coordonnées, alors que la concurrence dans ce contexte est croissante.
Les négociations à venir pour créer une nouvelle coalition gouvernementale seront une occasion propice pour réfléchir à la fusion des deux agences Luxembourg for Finance et Luxembourg for Business, afin de dégager de nouvelles synergies (faire mieux avec moins, cf. mon post précédent) dans l’intérêt de la promotion intégrée et intégrale à l’étranger de notre économie, des différents secteurs et des atouts afférents, soutenant ainsi l’extension des marchés de nos entreprises et l’attraction de nouveaux investisseurs. Malgré la technicité croissante et les spécifications existantes au sein des différents secteurs économiques (cf. finance, ICT, technologies de la santé, tourisme, …) et les spécificités afférentes, il ne fait pas de sens d’organiser la promotion dans des compartiments figés. Au contraire, il faut des messages communs et cohérents, alors que les interconnexions entre la finance, les services aux entreprises, les activités de conseil, les secteurs industriels, la communication, etc. deviennent de plus en plus importantes. Une combinaison intelligente des différents avantages et compétences au sein de ces activités constitue une opportunité énorme pour l’avenir de notre pays.
Doté d’une agence unique de promotion économique et d’une cellule spécialisée en matière de Nation Branding – les deux travaillant étroitement ensemble -, le Grand-Duché pourra se « vendre » de façon proactive, professionnelle et sans complexe à l’étranger en tant que carrefour international et laboratoire d’idées et répondre rapidement, mais de manière réfléchie, à des attaques, le plus souvent non fondées, de l’étranger.
Le pré-requis pour un succès dans une telle stratégie consiste évidemment de faire nos devoirs à domicile, d’entamer des réformes en profondeur de notre gouvernance économique et budgétaire et de développer un environnement attrayant au Luxembourg et des conditions favorables au déploiement de nouvelles activités économiques, portées tant par le savoir-faire local que par de nouvelles compétences internationales.
J’espère que la coalition gouvernementale sortant des élections du 20 octobre aura cette ambition et saura répondre à ce défi crucial !
[1] Concept développé notamment par Simon Anholt.