L’accord commercial actuellement en cours de négociation entre l’Union européenne (UE) et les Etats-Unis, le TTIP- l’acronyme anglais consacré pour cet accord – peut constituer un projet économique, financier et commercial des plus significatifs entre deux géants économiques. Géants car ils représentent plus de la moitié du PIB mondial, 41% du PIB en termes de pouvoir d’achat et un tiers de l’ensemble des flux commerciaux mondiaux. Tous les jours, Européens et Américains échangent déjà aujourd’hui des biens et services pour 2 milliards EUR.
Mais dans un même temps, il s’agit de l’un des accords de libre échange les plus controversés : les poulets chlorés prêts à débarquer en Europe, les multinationales transatlantiques qui pourraient poursuivre nos Etats, la fin de la démocratie en Europe – pour ne nommer que trois des nombreuses inquiétudes, voire polémiques, qui pullulent actuellement dans les médias et fora. Bien sûr, aucun grand changement économique ou politique ne s’est réalisé sans mouvement d’opposition, sans discussions ; mais mettons fin à ces débats dramatiques. Ils doivent être démentis par une communication transparente, constituée de faits et de chiffres saillants pour l’UE et le Luxembourg.
Ainsi, les Européens peuvent s’attendre à une croissance supplémentaire annuelle de 0,5%, une augmentation du revenu disponible de 545 EUR par ménage et une hausse des exportations vers les Etats-Unis de 28%, chaque milliard EUR découlant du commerce extérieur soutenant 15.000 emplois européens. La réduction annoncée des barrières non-tarifaires, qui représentent à l’heure actuelle l’équivalent de tarifs douaniers de 10% jusqu’à 20% selon les secteurs, permettra à un grand nombre de PME européennes de mettre un pied sur le marché américain. Force est de constater que tout le monde pourrait gagner d’un accord bien ficelé, les consommateurs bénéficiant d’un plus grand choix, d’une meilleure qualité et de prix moins chers, les entreprises profitant d’une plus grande zone de chalandise, de débouchés et de gains de productivité et de compétitivité et l’Etat qui verra augmenter ses recettes fiscales et reculer le chômage. Le TTIP est sans doute l’un des moyens les moins onéreux pour relancer l’économie sans recourir à un endettement public additionnel.
Toutefois, le succès du projet transatlantique dépend fortement de la volonté des deux parties de déployer des efforts pour parvenir à un accord ambitieux et équitable au niveau des différentes dispositions. Représentant 99,6% des entreprises, 70,3% de l’emploi et 72,0% du PIB, les PME constituent la colonne vertébrale de l’économie luxembourgeoise et une importante source d’innovation. A l’heure actuelle, les coûts d’exportation et d’investissement pèsent souvent plus lourds pour les PME que les marges et gains potentiels pouvant être réalisés en exportant aux Etats-Unis. Le TTIP pourrait les aider à accéder au marché américain. Par ailleurs, un grand nombre de nos PME sont des prestataires de services, les services représentant plus de 80% de nos exportations. Il y a donc lieu d’insister sur des dispositions ambitieuses en la matière.
Un accord d’une telle envergure doit surtout se parer de résultats équitables. Le Vieux Continent doit bénéficier autant du TTIP que le partenaire américain et il faut bien sûr éviter que les Etats-Unis ne « compliquent les choses » pour nos entreprises alors que nous éliminons toutes nos barrières aux entreprises américaines. Pensons par exemple aux marchés publics qui sont souvent inaccessibles aux entreprises européennes, les marchandises destinées à l’usage étant protégées par le « Buy American Act ». Assurons-nous que nous partageons la même compréhension en matière juridique et fiscale et que les investisseurs luxembourgeois et européens seront protégés dans la même mesure que leurs homologues américains. Au vu des efforts de transparence que la Commission européenne a – à juste titre – entrepris au niveau de sa communication et des règles prévues à cet égard, les Européens devraient reconnaître la vraie valeur de cette disposition au lieu de la dénigrer. Et n’oublions pas l’importance des investissements directs étrangers pour les deux parties : d’un côté, les Etats-Unis sont le plus grand investisseur à destination de l’UE, au chiffre de 313 milliards EUR, de l’autre côté, ils sont notre principale destination d’investissements avec 159 milliards EUR. Gardons ces chiffres en mémoire lors de nos discussions.
Si Monsieur Garcia Bercero, le négociateur en chef du côté européen, reste ferme sur ces sujets qui figurent sur une liste beaucoup plus extensive, tous les efforts déployés vont aboutir à un accord de libre échange exemplaire, et ce notamment dans le contexte de l’impasse du cycle de Doha[1].
[1]L’essentiel des chiffres cités dans cette chronique proviennent de l’étude indépendante menée par le « Centre for Economic Policy Research » de Londres au sujet du TTIP : http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2013/march/tradoc_150737.pdf.
cher mr Thelen,
je vous lis toujours avec plaisir, vos analyses sont souvent pertinentes et bien venues; mais sur ce coup là, non non et 3 fois non. Trop de naiveté de votre part, “oser croire” qu’il peut sortir quelque chose de bon de pareil accord après l’échec de l’AMI en 97 et de l’ACTA en 2010, est excusez moi de le dire, être liberalisme-béat. Cet accord par ailleurs tient très éloigné les PME européennes, les premières consultations menées n’ont été faites quasi exclusivement qu’auprès de multinationales, c est un accord pour Multinationales (et il y en a beaucoup plus aux USA qu’en Europe puisque la DG Comp empeche toute fusion dominante et que les pays sont dans une logique de champions nationaux (rappelez vous Arcelor-Mittal comment ce fut dur et long); bref ce TTIP, secret très longtemps est une Fausse bonne idee. Quand aux effets de richesse avancée par l etude de 0,5%, c est une espérence à horizon longue (10 ans apres l accord), et c’est dans le meilleur des cas, et c est e moyenne; ce qui veut dire que certains secteurs vont gagner d autres perdre, certains pays vont gagner d autres pas (rien n assure que le Luxembourg sera dans le groupe gagnant vu le tres haut niveau de protection sociale de notre pays). J ai l impression que vous êtes pour cet accord par principe, cela vous honore (car c est bien d avoir des principes) mais dans le même cela bride quelque peu la lucidité sur le sujet.
une question d ailleurs, la France a pu faire “sortir” de la negociation l industrie culturelle, au nom de l exception culturelle europenne et de la toute grandeur d Holywood, du coup je me demande pourquoi n enleverait on pas également au nom de cette meme exception d autres secteurs… ce qui reviendrait tout simplement à arreter les frais (qui doivent etre élevés et aller directement dans les poches des grands cabinets d avocats americains qui aident la Commission à négocier l affaire…) pas certaine que 0.5% de croissance (au mieux) vaut de courir le risque de pactiser avec les USA qui, meme en temps de paix dans l’Otan, espionne ses alliés…
le protectionnisme c est jamais bon pour les affaires
Ce qui dérange, entres autres, à ces négociations c’est leur caractère ultra-secret….à tel point que les politiciens nationaux ne savent même pas quelles activités économiques y sont négociées et quelles sont exclus des négociations. Les parlementaires européens n’ont qu’un accès très limités aux dossiers. Presque tout ce qui est divulgué de ces négociations a le caractère de rumeurs. Cette absence de transparence est très peu démocratique. Or l’enjeu pour les quelque 500 millions de citoyens européens est énorme !
Mettre en évidence les intérêts des PME à cet accord me laisse perplexe; à ce jour les seuls influents dans ces négociations sont les lobbyistes des multinationales.
Pour comble cependant est le concept d’une simple juridiction commerciale, composée de quelques avocats d’affaires qui puissent trancher sans recours possible dans des litiges entre entreprises privées et Etats nationaux.
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