Cent euros nets en plus pour les salariés qui touchent le salaire minimum, c’est l’idée émise par le Ministre du Travail sur les ondes de RTL en ce début d’année (électorale). Mieux rémunérer les salariés du bas de l’échelle pour le travail qu’ils accomplissent est une intention qui semble louable. Toutefois, cette proposition repose sur une analyse incomplète des mécanismes agissant sur les inégalités et la pauvreté du Luxembourg et l’omission de la prééminence des entreprises dans la création de richesse pour tous.
Ainsi, c’est en arguant que le salaire minimum est en-dessous du seuil de pauvreté, fixé eu Europe à 60 % du revenu médian du pays concerné, que le Ministre du Travail a justifié une telle augmentation. Or, le STATEC indique dans son dernier rapport annuel « Travail et cohésion sociale » que le seuil de pauvreté est de 1 689 euros par mois au Luxembourg (données de 2016) alors que le salaire social minimum brut est actuellement de 1 998,6 euros, soit 1 727 euros net (Source : Administration des contributions directes). A ce montant, il faut ajouter divers crédits d’impôts possibles et les transferts sociaux tels l’allocation de vie chère, la subvention de loyer, et pour certains les allocations familiales, qui permettent bien à tout travailleur luxembourgeois au salaire social minimum (SSM) d’avoir un revenu nettement supérieur au seuil de pauvreté.
Il faut être extrêmement prudent lorsqu’on utilise l’indicateur du taux de risque de pauvreté. En effet, cet indicateur ne mesure en rien la pauvreté absolue, mais bien l’inégalité des revenus au sein d’une population. Ainsi, avec 16,5 % de personnes en situation de risque de pauvreté, le Luxembourg aurait plus de pauvres qu’un pays comme la Hongrie. Le seuil de pauvreté est de 1 689 euros par mois au Luxembourg tandis qu’il se monte à 238 euros en Hongrie. Ce seuil risque de monter encore si de nouveaux emplois à haute valeur ajoutée sont créés dans les prochaines années, soit l’un des objectifs principaux de notre politique économique et de notre business model. Devrions-nous renoncer à notre stratégie économique et industrielle pour autant ?
Dans les faits, la réussite économique du Luxembourg permet à la majorité de sa population de se retrouver dans une situation financière confortable et de limiter à une faible minorité le fait de vivre en situation de pauvreté ce qui appelle d’ailleurs à un ciblage bien plus important des transferts sociaux. Seuls 1,6 % des résidents luxembourgeois sont en situation de privation matérielle grave, soit le troisième plus faible taux de l’Union Européenne. Si la lutte contre cette pauvreté demeure une priorité, les moyens de la combattre ne reposent pas sur la hausse du salaire social minimum. Sans modification des mécanismes fiscaux, de cotisations sociales et de transferts sociaux, les travailleurs aux salaires minimum ne bénéficieraient que peu en termes de pouvoir d’achat d’une hausse du SSM. L’OCDE a démontré en 2015 qu’un salarié luxembourgeois avec enfants pouvait voir son revenu disponible se réduire en cas de hausse du salaire minimum via l’augmentation de ses impôts, de ses cotisations sociales et la baisse des prestations sociales qu’il touche.
De plus, la pauvreté est concentrée sur certaines catégories de la population. Sont notamment particulièrement touchées les familles monoparentales, 40 % d’entre elles ayant un revenu inférieur au taux de risque de pauvreté (donc 1 689 euros par mois). C’est aussi le cas pour 45 % des chômeurs et 20 % des travailleurs indépendants. Les charges de logement pèsent lourdement sur le pouvoir d’achat des classes modestes, selon le récent rapport « Travail et cohésion sociale » du STATEC. Les parents isolés dépensent près de 45 % de leur revenu pour se loger. Ils sont aussi plus souvent privés d’emploi que les autres types de ménages. 77 % des personnes en recherche d’emploi considèrent les charges financières de logement comme importantes, contre 40 % des personnes en emploi. Dans les travaux sur le budget de référence, le coût du logement représente environ la moitié des dépenses totales d’un ménage modeste. Augmenter le salaire minimum n’impactera que peu les personnes en situation de précarité. En revanche, lutter contre la pauvreté passe par la création d’emplois pour les chômeurs, des aides ciblées pour les familles monoparentales et la construction de davantage de logements afin de desserrer l’étau du marché immobilier luxembourgeois. Le SSM n’est pas une solution au casse-tête national du logement.
Derrière la croissance de l’économie se cachent deux réalités inquiétantes : une productivité en berne depuis plus de 15 ans et une faible rentabilité des entreprises non financières. La productivité stagne depuis plus de quinze ans au Luxembourg. Or, ce sont les gains de productivité qui permettent de distribuer des salaires plus importants. Il devient d’autant plus difficile d’augmenter actuellement les salaires que la stagnation de la productivité, entre autres, se répercute sur la rentabilité des entreprises non financières. Avec un taux de 5,9% (excédent brut d’exploitation/chiffre d’affaires), les entreprises luxembourgeoises non-financières sont aujourd’hui les moins rentables de l’Union Européenne (Source : Eurostat). Les secteurs de l’hébergement et restauration, de l’industrie et de la construction, trois secteurs parmi ceux qui emploient le plus de travailleurs aux SSM, ont vu leur rentabilité s’effondrer depuis 2007. Dès lors, ces entreprises sont limitées dans leur capacité à investir et à rembourser leurs emprunts. L’expérience montre que l’évolution du salaire social minimum impacte les salaires proches du SSM et les cotisations sociales. Le coût d’une telle hausse affecterait fortement une majorité d’entreprise. Elle leur ferait subir un choc externe à même de réduire à néant leur rentabilité, leur faculté à investir et remettrait en cause à minima leur capacité de développement. Une hausse conséquente du salaire social minimum risque d’amputer grandement la capacité des entreprises luxembourgeoises à créer des emplois, notamment pour les personnes les moins qualifiées.
Par conséquent, la proposition d’augmenter substantiellement le SSM, aussi bien intentionnée soit-elle, réduirait la compétitivité du pays tout en n’augmentant guère le pouvoir d’achat des ménages en situation de pauvreté, à savoir majoritairement des familles monoparentales ou encore des personnes sans emplois. Elle diminuerait la richesse à partager, mais pas le nombre de pauvres. Elle mettrait des entreprises en difficulté et des emplois en péril, notamment parmi les moins qualifiés. La hausse du salaire social minimum risque de se retourner contre ceux auquel elle est destinée, à savoir les ménages modestes qui seront les premiers à payer les conséquences néfastes d’une mesure contreproductive dans la lutte contre la pauvreté et antiéconomique au sein d’un monde ouvert et d’une économie concurrentielle.
Monsieur Thelen; Comme la plupart des patrons, vous ne criez au scandale que lorsque les “salariés du bas de l’échelle” ( = votre qualificatif ) demandent à faire améliorer leur situation financière souvent désespérée alors que vous restez muet quand ceux qui ont la “prééminence dans la création de richesse pour tous” ( = également votre qualificatif ) ne cessent de se remplir les poches de manière impertinente.
Herr Thelen, Dir musst hei net den Pseudo-Economist erauskéieren. Et wär definitif besser gewierscht, Dir hätt näischt gesot. Wir wär er mat e bëssen EMPATHIE? Dir kënnt mir gären e Mail schreiwen. En aneren Universitär ouni Suergen